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Sur les cimes

Normandie
Deauville (Salle Elie de Brignac)
08/03/2019 -  
Béla Bartók: Quatuor à cordes n° 4, Sz. 91
Franz Liszt: Années de pèlerinage (Première année. Suisse), S. 160: 1. «Chapelle de Guillaume Tell», 2. «Au lac de Wallenstadt» & 9. «Les Cloches de Genève»
Franz Schubert: Quintette à cordes en ut majeur, opus 163, D. 956

Yan Levionnois (violoncelle), Guillaume Vincent (piano), Quatuor Hermès: Omer Bouchez, Elise Liu (violon), Lou Chang (alto), Anthony Kondo (violoncelle)




On peut s’amuser à comparer les festivals de musique de Deauville car la ville se paye le luxe d’en avoir deux, celui du printemps et celui, plus récent, de l’été, tous deux dirigés depuis leurs débuts par l’infatigable Yves Petit de Voize. Comme le festival de Pâques de Deauville, commenté dans ces colonnes depuis de nombreuses années, n’a pas toujours lieu à Pâques, le festival d’août, son prolongement dit d’août, où ConcertoNet pose ses oreilles pour la première fois cette année, peut commencer en juillet. C’est d’ailleurs encore le cas en 2019 pour sa dix-huitième année. Si le premier festival joue avec les week-ends et les ponts du mois de mai, le second tout simplement avec les vacances d’été.


Dans les deux cas, le nombre de concerts est équivalent; une dizaine, ce qui permet de programmer des œuvres d’une grande variété, peut-être toutefois plus faciles d’accès l’été, au sortir de la plage. Evidemment, dans les deux cas, les concerts se déroulent, sauf exception jamais bien probante à vrai dire, dans la salle Elie de Brignac, normalement dévolue à la vente de yearlings mais assez bien adaptée à la musique de chambre. Le second festival se distingue simplement en prévoyant plus volontiers quelques embardées solistes, plus rares au printemps. Enfin, le festival le plus ancien présente des jeunes artistes souvent épaulés par des interprètes renommés tandis que le dernier-né des festivals laisse plus volontiers la bride sur le cou aux jeunes. Du moins était-ce une des différences repérées il y a quelques années. Les années passant et le festival d’été s’ancrant toujours davantage dans le paysage musical français, les deux festivals tendent à se rapprocher.



Le Quatuor Hermès et Y. Levionnois (© Stéphane Guy)


En témoigne ce cinquième concert de la série des dix proposés cet été puisque les artistes à l’œuvre sont assurément autre chose que des «yearlings de la double croche» pour reprendre une formule journalistique stupide mais qui a eu évidemment son heure de gloire.


De Béla Bartók (1881-1945), ce sont en effet les Hermès qui interprètent le Quatrième Quatuor (1929). Les artistes, qui fêtent les dix ans de leur collaboration, surmontent sans problème les extraordinaires difficultés de la partition, ses tensions, ses chromatismes. A vrai dire, il fallait leur expérience pour faire face à un tel sommet, sans en exagérer l’âpreté. Ils donnent une direction à leur discours et savent où nous mener. L’équilibre est parfait sauf peut-être dans le troisième mouvement où le violoncelle se fait un moment curieusement plus présent.


Le passage de témoin à Franz Liszt (1811-1886) n’est ensuite en rien incongru. Non qu’il ait influencé Béla Bartók, excellent pianiste qui jouait pourtant la Sonate en si mineur, mais parce que se succédaient ainsi deux novateurs et que l’on avait besoin de respirer le grand air des montagnes suisses après une œuvre résumant presque tout l’œuvre de son auteur, tel thème de la Musique pour cordes, percussion et célesta ou du Divertimento s’y retrouvant par exemple.


On retrouve alors avec plaisir Guillaume Vincent (né en 1991), régulièrement invité à Deauville. Des Années de pèlerinage, il dégage «La Chapelle de Guillaume Tell» puis «Au lac de Wallenstadt» (1855). Jouant par cœur, il y manifeste une puissance impressionnante. Il transforme la première pièce en un immense portique, sans une once de vulgarité, prend son temps pour sculpter son clavier, et privilégie le charme dans la seconde, mettant alors en valeur les effets de résonance, comme si ses mains jouaient aux échos entre les montagnes, sans être pour le moins du monde dérangé par le bruit constant, ressemblant à celui d’un réfrigérateur, émanant du plafond de la salle et des sempiternelles claquements de dilatation d’on ne sait où.


En bis, Guillaume Vincent poursuit par une interprétation qui laisse pantois. C’est sans doute encore une œuvre Liszt, proche des Nuages gris. On y retrouve leur modernité, leur chromatismes, leur tristesse et leur paysages désolés, mais non, il s’avère qu’on est finalement dans un univers... beethovénien. C’est le Largo e mesto de la Septième Sonate. Quelle interprétation! Guillaume Vincent n’est pas une bête à concours mais indéniablement un authentique artiste, repoussant tout effet facile et donnant une densité inouïe à la moindre note. Chapeau!


Après une pause absolument interminable, le public une coupe de champagne à la main dans l’écrin de verdure qui entoure la salle ne sachant manifestement pas ce qui l’attend, est proposé le monumental Quintette à cordes (1828) de Franz Schubert (1797-1828). Yan Levionnois, autre habitué du festival, joue le rôle du second violoncelle dans cette formation surprenante ne comportant qu’un seul alto, au côté du Quatuor Hermès. C’est magnifique, hormis un passage dans le premier mouvement où les violoncelles semblent couper du bois. Les interprètes font assaut de raffinements, leur soin ne réduisant en rien leur engagement, et se lancent dans un chant éperdu et étiré à l’extrême dans le deuxième mouvement. Le troisième et ses sortes d’appels à la chasse emportent tellement le public, qui croit, après tant de longueurs et de reprises, enfin l’œuvre terminée, que les applaudissements se déchaînent. Mais ce n’est pas le cas. Aussi après le dernier mouvement, les applaudissements se font-ils cette fois fort modérés: il se fait tard et il faut quand même éviter le bis. Tel est le résultat, parfaitement injuste, de ces pauses exagérées. On regrettera alors cette situation comme le fait qu’en plein mois d’août, il n’y a ait pas eu plus de monde dans la salle pour admirer des artistes d’exception.


Le site de l’Août musical de Deauville
Le site du Quatuor Hermès



Stéphane Guy

 

 

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