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Salon de musique Normandie Varengeville-sur-Mer (Le Bois des Moutiers) 08/03/2019 - Francis Poulenc : Sonate pour violon et piano, FP 119
César Franck : Sonate pour violon et piano
Serge Rachmaninov : Vocalise, opus 34 n° 14 (arrangement Jascha Heifetz)
Serge Prokofiev : Sonate pour violon et piano n° 2, opus 94b Elsa Grether (violon), David Lively (piano)
E. Grether (© Klara Beck)
En ce samedi, après l’église Saint-Valery la veille et avant le musée Michel Ciry le lendemain, Les Musicales de Normandie poursuivent leur parcours à Varengeville-sur-Mer au domaine du Bois des Moutiers. Aménagé à partir de la fin du XIXe par la famille Mallet, qui en est restée propriétaire jusqu’à sa toute récente acquisition par Jérôme Seydoux, le lieu, désormais labellisé «Jardin remarquable» et classé monument historique, présente deux atouts: un jardin de 12 hectares aménagé par la paysagiste Gertrude Jekyll (1843-1932) et un manoir conçu par l’architecte Edwin Lutyens (1869-1944). Animés, en matière de religion, par l’ambition syncrétique de la théosophie, les fondateurs étaient également proches de nombreux artistes, notamment Cocteau et Proust, et de nombreux compositeurs se sont rendus au domaine (Roussel, bien sûr, qui possédait une propriété dans le village, mais aussi Debussy, Ravel et Satie).
La musique a donc toute sa place ici – il s’y trouve d’ailleurs un salon de musique dont l’excellente acoustique accueille en cet après-midi estival, devant un public encore très nombreux (jusqu’à la petite galerie en surplomb), le récital d’Elsa Grether et David Lively, pour un programme français dans sa première partie et russe dans sa seconde. C’est d’abord la rare Sonate (1943/1949) de Poulenc, qui donne le ton d’un concert où la violoniste française déçoit parfois par une intonation instable et une sonorité comme fragile et contrainte, particulièrement dans l’aigu, ayant en outre du mal à dominer le clavier. Le pianiste franco-américain, en revanche, se montre plus à l’aise, d’une netteté impeccable dans cette musique si prompte à lancer des clins d’œil trop appuyés et déployant une palette coloriste sinon expressive plus étendue. La Sonate (1886) de Franck, tout ce dont Poulenc, comme le rappelle la note de programme, voulait s’affranchir, se situe aux antipodes stylistiques. Lively surjoue un peu les dynamiques, les contrastes et le phrasé, et le violon continue de gêner, sonnant comme s’il y avait une sourdine ou un parti pris de renoncer au vibrato – bien sûr, ce n’est nullement le cas. Cela étant, l’esprit et l’engagement, indéniablement, ne font pas défaut.
Après l’entracte, c’est comme un bis avant l’heure avec la Vocalise (1915) de Rachmaninov (dans l’arrangement de Heifetz), jouée avec une opportune retenue. Les deux musiciens ont publié il y a quelques mois chez Fuga Libera un album intitulé «Masques» et intégralement consacré à Prokofiev. Abordée avec une belle générosité, la Seconde Sonate (1944) réussit tant à la violoniste, notamment le caractère râpeux, grinçant et acide des mouvements impairs, qu’au pianiste, avec cet humour volontiers pince-sans-rire.
Elsa Grether choisit deux bis qui mettent parfaitement en valeur ses qualités: la nostalgie de la Valse triste (1913) de Franz von Vecsey (1893-1935), violoniste hongrois dédicataire (à 12 ans!) du Concerto de Sibelius, et le mordant de la Marche de L’Amour des trois oranges (1919) de Prokofiev (également arrangée par Heifetz).
Le site d’Elsa Grether
Le site du Bois des Moutiers
Simon Corley
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