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Héroïnes baroques chez Braque et Roussel Normandie Varengeville-sur-Mer (Eglise Saint-Valery) 08/02/2019 - Louis Antoine Lefebvre : Les Regrets: «Venez, chère ombre» – Le Lever de l’aurore: «L’astre que le silence suit» – Andromède: «J’attendrai la mort sans la craindre», «Andromède tremblante», «Sur ses flots irrités» et «Amour sous ton empire»
Michel Pignolet de Montéclair : La Bergère: «Prenons une route nouvelle», «Loin des yeux de Tirsis», «Que c’est un tourment extrême» & «Mais, sur cette paisible rive» – Plainte à deux violons
Jean-François Dandrieu : Sonate en trio en ré mineur, opus 1 n° 1: 1. Adagio & 2. Allegro
Philippe Courbois : Ariane: «Ne vous réveillez pas encore»
John Eccles : The Mad Lover: Ground (Slow Aire)
Henry Purcell : Dido and Aeneas: Dido’s Lament
George Frideric Haendel : Semele, HWV 58: «Hence Iris, hence, away»
Antonio Vivaldi : Sonate en trio en ré mineur «La Follia», opus 1 n° 12, RV 63 – Juditha triumphans, RV 644: «Agitata infido flatu» Eva Zaïcik (mezzo-soprano)
Le Consort: Théotime Langlois de Swarte, Sophie de Bardonnèche (violon), Louise Pierrard (viole de gambe), Justin Taylor (clavecin, orgue)
Depuis 2006, Les Musicales de Normandie investissent successivement, durant l’été, différents lieux de Seine-Maritime: cette année, du 6 juillet au 31 août, en bord de mer (Côte d’Albâtre, environs de Dieppe, Fécamp) comme dans l’intérieur des terres (Bolbec, Rouen, Vallée de Seine), les jeunes musiciens confirmés côtoient les artistes et formations vedettes, tels Emmanuelle Bertrand, Renaud Capuçon, Le Poème harmonique de Vincent Dumestre, l’ensemble Pygmalion de Raphaël Pichon, Les Musiciens de Saint-Julien de François Lazarevitch et les Tallis Scholars.
En ce début août, le festival fait halte aux environs de Dieppe, à Hautot-sur-Mer (11 août) et, surtout, à Varengeville-sur-Mer (2-10 août). Pour inaugurer ces deux week-ends de quatre concerts chacun, le public est convié en l’église Saint-Valery (XIe-XVIe), site exceptionnel à plusieurs titres: une vue à couper le souffle sur Dieppe et, attenant au bâtiment, un cimetière marin où reposent Albert Roussel et Georges Braque, auteur d’un des vitraux. Et, pour ne rien gâcher, l’acoustique se révèle inhabituellement naturelle, sans la réverbération envahissante qui affecte généralement les édifices religieux.
E. Zaïcik (© Victor Toussaint)
Dans ces conditions idéales, Eva Zaïcik et Le Consort présentent un programme vocal et instrumental coïncidant en grande partie avec celui de leur album paru chez Alpha il y a quelques mois. Intitulé «Héroïnes tragiques» – on y rencontre effectivement tour à tour Andromède, Ariane, Didon, Judith et Sémélé –, il est centré sur des extraits de trois des vingt-trois «cantatilles» de Louis Antoine Lefebvre (c. 1700-1763), une découverte à laquelle la mezzo et l’ensemble de chambre sont très attachés. Plaintes, drames, douleurs, langueur, élancements lancinants, le risque était toutefois celui d’une certaine uniformité d’où serait né un certain ennui. Rien de tel, bien au contraire, car cette première moitié du XVIIIe français où le classicisme perce parfois sous le baroque et où l’Italie n’est jamais bien loin, n’est pas avare d’expressions et de couleurs, volontiers très imagées: même l’étonnante Plainte à deux violons de Montéclair ne souffre nullement de la grande économie de moyens mis en jeu.
Et puis Eva Zaïcik, deuxième prix au Concours Reine Elisabeth en 2018, déploie tout son talent, même si c’est avec beaucoup de tenue, voire de retenue: justesse, homogénéité sur l’ensemble de la tessiture, timbre très travaillé, puissance, maîtrise du souffle et du vibrato, ductilité de la voix, mais aussi agilité dans les pyrotechnies finales de Haendel et Vivaldi – il n’y a guère que l’articulation qui paraît perfectible. Forte d’une complicité ancienne avec ses partenaires, elle fait corps avec l’ensemble fondé par Justin Taylor, dont le plaisir à faire de la musique est communicatif: le claveciniste et le premier violon, Théotime Langlois de Swarte, prennent même la parole pour éclairer en quelques mots simples des auditeurs bénéficiant par ailleurs de notes de programme tout particulièrement soignées, comprenant même les textes chantés et, le cas échéant, leur traduction.
Courte soirée, mais les spectateurs, venus très nombreux et restés très attentifs, n’en sont pas moins enthousiastes et obtiennent deux bis, pour lesquels Vivaldi – «Vedrò con mio diletto» d’Il Giustino – et Haendel – «Ombra mai fù» de Xerxès – sont de retour.
Le site des Musicales de Normandie
Le site d’Eva Zaïcik
Le site de Justin Taylor et de l’ensemble Le Consort
Simon Corley
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