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Canicule chambriste Paris Orangerie de Bagatelle 07/25/2019 - et 29 juillet 2019 (Névez) Franz Schubert : Quatuor n° 15, D. 887
Johannes Brahms : Quintette avec c1arinette, opus 115 Octuor de France: Jean-Louis Sajot (clarinette), Yuriko Naganuma, Florence Roussin (violon), Laurent Jouanneau (alto), Paul Broutin (violoncelle)
Quand vient le temps de l’été et que la musique a presque entièrement déserté la capitale, «Musique de chambre à Bagatelle» offre pendant un mois, généralement le jeudi soir et le dimanche après-midi, une programmation quantitativement modeste, au regard du choix dont les Parisiens disposent le reste de l’année, mais qualitativement élevée – on doit en effet ce mini-festival à l’Octuor de France et à son fondateur, Jean-Louis Sajot. Du 18 juillet au 15 août, la formation reconduit ainsi sa traditionnelle résidence au cœur du bois de Boulogne, selon une formule désormais bien éprouvée: des programmes alternant grands classiques (Beethoven, Schubert, Brahms, Dvorák, Rachmaninov) et découvertes astucieuses (Ferguson, Thieriot), introduits avec gourmandise par quelques propos de présentation de Jean-Louis Sajot.
En ce jour où la température a atteint des sommets jusqu’alors inconnus, quelques courageux parmi les rares mélomanes pas encore partis en vacances se retrouvent dans l’orangerie du parc – exceptionnellement un havre de (relative) fraîcheur par contraste avec la fournaise qui sévit à l’extérieur – pour une affiche sans doute plus automnale qu’estivale mais d’apparence assez rassurante, associant deux immenses œuvres de compositeurs parvenus au terme de leur carrière et même, pour le premier d’entre eux, déjà miné par la maladie qui allait bientôt l’emporter.
L’Octuor de France
Affiche rassurante, mais plutôt que les plus célèbres (et plus abordables) Treizième «Rosamonde» ou Quatorzième «La Jeune Fille et la Mort», les musiciens ont préféré l’ultime Quinzième Quatuor (1826) de Schubert. C’est en fait une version pour quintette qui est donnée ici, puisqu’un ventilateur (heureusement inaudible) se joint au quatuor, qui a bien du mérite à se produire dans de telles conditions climatiques, expliquant sans doute des accidents d’intonation plus fréquents que de coutume et peut-être aussi un certain quant-à-soi interprétatif qui se dissipe heureusement dans les deux derniers mouvements. Le parti pris, de toute façon, semble être de ne pas valoriser le caractère extraordinaire de la partition – au sens propre, tant par ses dimensions que par son ambition novatrice. Rien d’hors norme, de cosmique ou de métaphysique, par conséquent, mais si cette approche raisonnable et prudente peut laisser l’auditeur sur sa faim, elle ne lui en offre pas moins des compensations appréciables, comme son lyrisme, évident dans le Trio du Scherzo, mais aussi sa grâce et sa fraîcheur, notamment dans l’Allegro assai final. Ainsi, davantage que l’inspiration du dernier Beethoven ou la confrontation avec son style, on entend déjà la fine légèreté de Mendelssohn ou la chaleur bienveillante d’un Dvorák.
En seconde partie, l’orage s’abat, hélas sans grande incidence sur le thermomètre, mais tout cela n’empêche en rien l’Octuor de France de briller dans l’une de ses pages de prédilection, le Quintette avec clarinette (1891) de Brahms. Les individualités se fondent idéalement dans le collectif, à commencer bien sûr par celle de Jean-Louis Sajot, qui n’a rien perdu de sa souplesse et de son agilité. L’esprit apparaît plus généreux et empathique que triste ou même nostalgique, mais exagérer les sentiments aurait été déplacé, et c’est donc sur le ton de la confidence, de la pudeur et de la dignité que s’achève cette soirée.
Le site de l’Octuor de France
Simon Corley
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