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Un Meyerbeer méconnu Bad Wildbad Trinkhalle 07/19/2019 - et 26 juillet 2019 Giacomo Meyerbeer : Romilda e Costanza Patrick Kabongo (Teobaldo), Javier Povedano (Retello), Luiza Fatyol (Costanza), Chiara Brunello (Romilda), César Cortes (Lotario), Emmanuel Franco (Albertone), Claire Gascoin (Annina), Giulio Mastrototaro (Pierotto), Timophey Pavlenko (Ugo)
Górecki Chamber Choir, Marcin Wróbel (chef de chœur), Orkiestra Passionart, Luciano Acocella (direction musicale)
P. Kabongo (© David Morganti)
Le festival de Bad Wildbad, principalement dédié à Rossini, n’en oublie pas de faire résonner la musique de ses contemporains en plusieurs concerts donnés dans le charmant Kurtheater – on pourra entendre cette année aussi bien un délicieux ouvrage bouffe de Simon Mayr (1763-1845) qu’un opéra de salon de Manuel García (1775-1832), plus connu en tant que créateur du rôle d’Almaviva pour Rossini... ou comme père de María Malibrán et Pauline Viardot. C’est toutefois dans la Trinkhalle voisine que l’on retrouve l’une des soirées les plus attendues de cette édition 2019 avec le tout premier ouvrage italien de Meyerbeer, créé à Padoue en 1817. Avec Romilda e Costanza, Meyerbeer part à la conquête de l’Italie en un ouvrage souvent sous-estimé pour ses nombreux emprunts mozartiens ou rossiniens (notamment à Tancredi qu’il venait de découvrir): pour autant, le compositeur allemand impressionne par sa capacité à marier toutes ses influences en un instinct dramatique, un art des transitions et une maestria peu commune à l’orchestre. Les détails subtilement dévoilés par les nombreux soli enrichissent la palette de couleurs déployées par des instruments inattendus, des timbales au basson, tout en donnant un rôle concertant à deux reprises (au I et au II) au premier violon. Le cadre général reste dans les conventions de son époque, mais Meyerbeer fait déjà étalage de toute son imagination dans le raffinement orchestral, posant les bases des galons obtenues en Italie: en cela, il s’éloigne clairement des modèles pour embrasser un style plus proche de son ancien condisciple Weber.
La version de concert permet aux interprètes de se concentrer sur les difficultés vocales, offrant un plateau vocal de toute beauté – à l’exception du cas problématique de Luiza Fatyol (Costanza), qui montre plusieurs difficultés techniques dans l’aigu, à l’émission serrée dans les passages de registre brusques, occasionnant quelques faussetés. Pour autant, dès lors que la voix est bien posée, la soprano roumaine séduit par sa sensibilité et ses nuances dans les pianissimi. A ses côtés, Patrick Kabongo (Teobaldo) ne semble pas du tout éprouvé par sa prestation de l’après-midi (I tre gobbi de García), et impose son chant radieux pendant toute la représentation. Son premier air splendide est longuement applaudi par l’assistance, séduite par son aisance et sa diction qui montre une attention au texte. Assurément un nouveau succès pour cette petite voix agile qui est ici au cœur de son répertoire. Chiara Brunello n’est pas en reste dans son incarnation vibrante de Romilda, même si elle a parfois tendance à en faire trop au niveau de la gestuelle. Quoi qu’il en soit, ses graves mordants et son énergie revigorante devraient la conduire plus loin encore. On est plus réservé en revanche sur la prestation de Giulio Mastrototaro (Pierotto), au timbre assez ingrat et à l’aigu soutenu par un léger vibrato, qui reçoit toutefois un bon accueil du public pour son chant généreux, tout de puissance et de conviction dramatique. On mentionnera encore la superbe basse profonde de Javier Povedano (Retello), à la diction soignée du meilleur effet, et les seconds rôles parfaits.
Les chœurs semblent moins investis que la veille, mais assurent tout de même correctement leur partie, tandis que la direction de Luciano Acocella fouille la partition pour en dévoiler quelques traits raffinés, parfois en un tempo un rien trop lent. Plus sollicité que la veille dans les traits individuels, l’Orchestre Passionart de Cracovie reste à un bon niveau, malgré quelques verdeurs audibles dans les pupitres de cordes.
Florent Coudeyrat
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