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Figures politiques... politique défigurée ?

Paris
Maison de Radio France
11/25/2001 -  

Karel Husa : Music for Prague 1968
Ferruccio Busoni : Fantaisie indienne, opus 44
Heitor Villa-Lobos : Symphonie n° 3 « La Guerre »



Benjamin Pasternack (piano)
Orchestre national de France, Carl Saint-Clair (direction)


Sous la houlette de René Koering, les grands week-ends thématiques (et gratuits) de Radio France ne peuvent qu’être aventureux. Tant mieux. Avec la série intitulée « Figures politiques » proposée durant le dernier week-end, le sujet était inépuisable, mais programmer dans ce cadre des compositeurs aussi rares que Busoni, Husa et Villa-Lobos ne manquait pas de panache. Le public répond massivement présent et réagit avec enthousiasme, même s’il est privé in extremis de l’une des œuvres annoncées, Kossuth de Bartok.


Musique et politique... l’approche de ce concert était peut-être plus allusive et anecdotique qu’historique ou philosophique, mais qu’importe, ce n’est pas tous les jours que l’on peut entendre Karel Husa, compositeur d’origine tchèque qui a quitté son pays en 1948. C’est l’actualité, plus que la politique, qui inspire évidemment sa Music for Prague 1968 (24 minutes), composée sous le choc de l’invasion du pays par les troupes du pacte de Varsovie. Musique « attendue » (mais indéniablement sincère), en ce sens qu’elle privilégie l’émotion et la description, quoique dans un langage indéniablement contemporain et sincère, qui mêle Bartok, Chostakovitch et Bernstein: cordes élégiaques, trompettes en fanfare, glissandi des trombones, timbales sourdes et menaçantes.


D’une orchestration parfois touffue (dotée de six pupitres de percussion), les trois premiers mouvements se déroulent dans un tempo lent et un climat incantatoire. La Toccata finale laisse la place au fameux choral hussite Vous êtes les combattants de Dieu, qui a inspiré tant de musiciens tchèques, de Smetana à Kabelac en passant par Dvorak. On est droit de penser qu’en trois fois moins de temps, Jindrich Feld, resté, quant à lui, au pays, en disait autant dans sa Fantaisie symphonique Les jours d’août, dont la création à Prague, en mars 1970, ne fut autorisée qu’au prix de l’abandon de son titre... Musique et politique, c’est aussi cela.


Si la Fantaisie indienne pour piano et orchestre (1914) de Busoni permet d’évoquer un problème politique (le sort réservé aux populations amérindiennes), il est plus difficile d’admettre que ce soit là, encore moins que Dvorak quelques années plus tôt, l’objectif du compositeur, qui s’inscrit bien davantage dans la tradition romantique, notamment lisztienne, du patchwork virtuose de thèmes « nationaux » dans lequel l’orchestre tient un rôle secondaire. Vagabond plus que touriste, Busoni y apporte une touche plus personnelle, au travers de tournures harmoniques assez recherchées. Techniquement irréprochable, le pianiste américain Boris Pasternack en donne une interprétation parfaitement nuancée.


Les symphonies de Villa-Lobos sont encore moins favorisées au concert que ses autres partitions orchestrales, c’est dire… Composée en 1919, la Troisième, sous-titrée La Guerre, fut ainsi créée… en 1998. Elle forme le premier volet d’un triptyque complété l’année suivante par deux autres symphonies respectivement intitulées La Victoire et La Paix. Suivant le plan traditionnel en quatre mouvements, avec scherzo en deuxième position, elle affiche une incontestable ambition, tant par sa durée (35 minutes) que par l’effectif orchestral requis : à une formation déjà assez fournie (bois par trois et même quatre flûtes, cinq cors, quatre trompettes, quatre trombones et un tuba, sept percussionnistes, deux harpes, piano/célesta, cordes) vient en effet s’ajouter un ensemble distinct de quatorze cuivres supplémentaires (deux cors, quatre trompettes, quatre trombones, deux tubas ténor et deux tubas).


Le sujet incite certes à jouer sur le volume sonore, particulièrement dans les mouvements extrêmes, qui citent d’ailleurs tous les deux La Marseillaise. L’aspect martial et rhapsodique de ces deux mouvements, où l’on sent l’influence de la fameuse bataille mise en musique par Richard Strauss dans Une vie de héros, avec quatre tambours et deux grosses caisses à contretemps, laisse heureusement la place à un scherzo quasi mendelssohnien et au bouleversant chant funèbre du largo. Ceci étant, tout Villa-Lobos est déjà dans cette œuvre encore un peu brouillonne et décousue : puissance, générosité, rythme, démesure. La conclusion, extrêmement spectaculaire, n’a rien à envier aux grandes démonstrations paroxystiques de Chostakovitch, Messiaen, Ravel ou Respighi et a tour pour faire chavirer le public, d’autant que le chef américain Carl Saint-Clair, qui a entrepris une intégrale discographique des symphonies de Villa-Lobos, emporte la conviction a la tête d’un Orchestre national des grands jours.




Simon Corley

 

 

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