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Pleins feux sur un merveilleux orchestre

München
Nationaltheater
06/02/2019 -  et 3, 4 juin 2019
Bohuslav Martinů : Concerto pour violon n° 2 H. 293
Igor Stravinski : L’Oiseau de feu

Frank Peter Zimmermann (violon)
Bayerisches Staatsorchester, Dima Slobodeniouk (direction)


D. Slobodeniouk, F. P. Zimmermann (© Wilfried Hösl)


On se souvient d'avoir entendu Dima Slobodeniouk diriger l’Orchestre philharmonique de Strasbourg en 2010, apparition de chef invité où son pragmatisme et son sens de la stabilité rythmique avaient fait très bonne impression. Presque une décennie plus tard, sur le podium du Bayerische Staatsoper de Munich transformé pour une matinée en salle de concert, on retrouve immédiatement le même contact : une silhouette mince et bien droite, une gestique rigoureuse et sobre, assurément un chef fiable, à défaut d’être un grand dionysiaque. Aujourd’hui Slobodeniouk dirige à la fois l’Orchestre symphonique de Lahti en Finlande et l’Orchestre Symphonique de Galice à La Corugne en Espagne : une sorte de grand écart européen, pour ce chef moscovite qui s’est formé essentiellement en Finlande, au contact notamment des gourous très particuliers que sont Leif Segerstam et Jorma Panula.


La vraie vedette du concert reste cependant l’Orchestre de l’Opéra de Munich, encore dénommé Bayerisches Staatsorchester quand il est appelé à sortir de la fosse où il officie quasiment tous les soirs. La demi-douzaine de programmes annuels où il se produit en tant que phalange symphonique compte immanquablement parmi les grands moments de la saison, s’agissant de l’un des meilleurs orchestres d’opéra mondiaux, et de musiciens qui ne manquent jamais de saisir ces occasions de se faire apprécier à leur juste valeur. Et ce matin l’exécution intégrale de L’Oiseau de feu de Stravinski est un enchantement. Grâce aussi à l’excellente acoustique du Nationaltheater (qui sonne très bien quand il est transformé en salle de concert, surtout depuis certains travaux de modification de la conque acoustique). On ne perd aucun détail d’une orchestration riche et inventive, et il faudrait pouvoir citer tous les premiers pupitres. Les cors sont prodigieux (à commencer par Johannes Dengler, pour quelques solos d’une aisance magnifique), de même que le hautbois de notre compatriote Frédéric Tardy (à juste titre réintégré définitivement cette saison, après de notables remous internes, qui ont forcé Kirill Petrenko, directeur musical, à sortir de son habituelle réserve pour le défendre), ou encore la flûte aux sonorités superbement rondes d’Alissa Rossius (une instrumentiste à la carrière déjà brillante, qui n’est pas titulaire mais vient souvent collaborer, à la demande). Sur le podium, Slobodeniouk paraît toujours précis et veille à maintenir une grande transparence, sans parvenir à dissiper l’impression que l’orchestre de l’ Opéra de Munich nous joue là son Oiseau de feu habituel, en consentant simplement à ce que le chef lui donne de façon compétente ses entrées. Mais comme le résultat s’avère constamment magnifique, on ne va pas bouder son plaisir. Cela dit, dans la «Danse infernale de Kastcheï», les arabesques des premiers violons paraissent durablement à la traîne, alors que Slobodeniouk tente de les stimuler mais sans réussir à susciter des réactions plus nerveuses : au-delà de ces petits aléas d’ajustement avec un chef invité, aussi une illustration de la difficulté à vraiment tout mettre parfaitement en place dans ce morceau de bravoure. On notera la splendeur de l’apothéose finale, où Dima Slobodeniouk appuie sur le manettes avec un vrai sens de l’influx et pourtant paraît surpris par la réserve de puissance énorme de l’orchestre, qui avait gardé sous le pied quelques mesures à sa façon, histoire de finir en laissant tout le monde ébahi, y compris le chef lui-même.


En première partie, le Bayerisches Staatsorchester joue un rôle plus discret, mais toujours d’une belle précision, puisqu’il s’agit d’accompagner le rare Second Concerto pour violon de Bohuslav Martinů . L’œuvre paraît d’une mise en place rythmique relativement complexe, et il faut que le soliste puisse s’y faire entendre en toutes circonstances, y compris quand l’écriture sonne assez chargée. Des impératifs que Dima Slobodeniouk gère très bien, en laissant les timbres toujours luxueux et gorgés de couleurs de l’orchestre s’épancher dès qu’ils peuvent trouver un peu plus d’espace disponible et en contenant tout le reste avec une louable modération. Un accompagnement confortable pour le violon de Frank Peter Zimmermann, artiste toujours aussi fiable et dont la sonorité reste magnifique, à défaut d’une générosité radieuse. Zimmermann n’a jamais été un musicien solaire, mais on peut toujours compter sur lui pour aller dignement au fond des choses, et sous son archet pas une mesure de ce concerto ne semble manquer de logique. Une œuvre au demeurant somptueuse et plaisante, qui mériterait vraiment d’être proposée plus souvent en alternative, en tant que concerto pour violon « tchèque », à celui de Dvorák. Rappelons que Martinů l’a composé en exil aux Etats-Unis en 1943, pour Mischa Elman, violoniste dont quelques enregistrements historiques, surtout de précieux 78 tours qui grattent, nous rappellent encore aujourd’hui la sonorité de velours et le lyrisme éperdu, à grands coups de rubato en accordéon et de portamenti voluptueux. Avec quels éclairs de génie et de liberté Elman jouait-il ce concerto-là, riche en grisantes formules mélodiques et aussi d’une redoutable virtuosité ? Une bande radiophonique de la création bostonienne en donne une certaine idée : un archet généreux, qui empâte même le son à force de rechercher une expressivité quasi orchestrale, surcharge énorme que l’on ressent bien malgré les conditions d’enregistrement précaires (un précieux document, sur YouTube, ou encore dans un volumineux coffret de CD consacré à Mischa Elman par Arte Nova). Difficile d’imaginer cette emphase aujourd’hui, surtout en écoutant le rigoureux Frank Peter Zimmermann. Mais il est vrai que les temps ont tellement changé...


En bis : «Melodia», le mouvement lent de la Sonate pour violon seul de Bartók, monodie d’une extraordinaire subtilité d’intonation et de rythmes, dont Zimmermann détaille chaque climat avec un savoir-faire d’orfèvre. Un moment suspendu, qui pourtant remplit aisément le grand volume du Nationaltheater, et que le public et l’orchestre écoutent respectueusement.



Laurent Barthel

 

 

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