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Carmen chez Columbo

Metz
Opéra-Théâtre
06/16/2019 -  et 18, 20, 22 juin 2019
George Bizet : Carmen
Mireille Lebel (Carmen), Sébastien Guèze (Don José), Gabrielle Philiponet (Micaëla), Régis Mengus (Escamillo), Jean-Fernand Setti (Zuniga), Benjamin Mayenobe (Moralès), Capucine Daumas (Frasquita), Cécile Dumas (Mercédès), Kamil Ben Hsain Lachiri (Dancaïre), Daegweon Choi (Remendado), Massimo Riggi (Lillas Pastia)
Chœur de l’Opéra-Théâtre de Metz Métropole, Chœur d’enfant spécialisé du Conservatoire à rayonnement régional de Metz Métropole, Orchestre national de Metz, José Miguel Perez-Sierra (direction musicale)
Paul-Emile Fourny (mise en scène), Benito Leonori (décor), Giovanna Fiorentini (costumes), Patrick Méeüs (lumières)


(© Luc Berteau)


Paul-Emile Fourny, directeur de l’Opéra-Théâtre de Metz Métropole, a choisi pour la dernière production de la saison messine l’incontournable Carmen de Georges Bizet, récemment détrônée par La Traviata comme opéra le plus souvent joué dans le monde. Mais il signe une mise en scène quelque peu iconoclaste pour sortir ce grand classique des sentiers battus, et peut-être ainsi éviter d’être taxé d’académisme...


S’inspirant à la fois de deux romans américains, Shutter Island (porté à l’écran par Martin Scorsese) et Angel Heart (transposé au cinéma par Alan Parker), il permet de voir en Don José à la fois un aliéné affublé d’une camisole de force lors de l’Ouverture, derrière un tulle, et un inspecteur qui va devoir enquêter sur son propre crime, Micaëla devenant une infirmière qui le ramène à l’asile. L’opéra commence par une scène de crime digne des séries américaines, avec rubans imprimés «Crime scene, do not cross», et Carmen allongée dans un plastique blanc. Moralès est un policier, Zuniga un commissaire, les cigarières deviennent des comédiennes en répétition (comme Escamillo), et Lillas Pastia (joué par le comédien Massimo Riggi) va même déclamer des vers de Nerval et Baudelaire. L’ensemble est assez hétérogène, d’autant que le texte des dialogues est partiellement réécrit pour coller à l’intrigue, Carmen se voyant traitée d’«intermittente» par Don José (ce qui fait glousser le public...).


Tout cela n’est pas réellement cohérent mais permet d’alterner la légèreté de l’esprit du musical avec des flashs tragiques, la mort de Carmen se trouvant rappelée par de nombreux moments où elle se retrouve à terre, figée. Des marionnettes des deux personnages reviennent régulièrement pour symboliser leurs actions et signifier qu’ils sont jouets du destin. Les hauts décors bruns mobiles de Benito Leonori représentent des maisons espagnoles stylisées, avec grands volets ouvragés et patio. L’époque présentée par les costumes de Giovanna Fiorentini semble être celle de l’Amérique des années 1950, l’imperméable de Don José comme les sacs et valises renvoyant à ce style, alors que les contrebandiers sont plus contemporains avec leurs tenues issues des cités et leurs nombreux tatouages. Les gamins des rues de Séville sont ici une classe à casquettes assorties difficilement cornaqués par une professeure en tailleur et chignon...


Paul-Emile Fourny a choisi de réunir à nouveau les deux chanteurs qui avaient incarné en 2017 Charlotte et Werther dans le chef-d’œuvre de Massenet sur la scène messine. La mezzo canadienne Mireille Lebel est une Carmen plus fraîche que de coutume, au timbre clair dans l’aigu, et maîtrise l’ambitus du rôle avec aisance, tout comme les nombreuses danses que la mise en scène lui demande d’exécuter. La luminosité de son timbre et des graves peu poitrinés, comme sa plastique de rousse flamboyante, en font un personnage séduisant, d’une réelle attractivité, malgré quelques gestes frôlant la vulgarité. Son léger accent canadien, dans les dialogues, marque une particularité qui sied bien à la gitana de Prosper Mérimée.


Sébastien Guèze incarne un Don José manipulé, faible et pantelant, théâtralement très convaincant, parfois maître de son legato, mais parfois en difficulté sur le plan vocal, du fait d’une émission peu orthodoxe, aux voyelles altérées, et aux sons par trop poussés, ce qui altère maintes fois la ligne de chant. Que n’a-t-il délivré le même Don José qu’à Genève, en début de saison, tout en raffinement et demi-teintes? Régis Mengus est un Escamillo au physique avenant, au timbre somptueux, un rien trop prudent dans l’aigu peut-être... Superbe Marguerite dans Faust à Saint-Etienne il y a peu, Gabrielle Philiponet irradie son personnage d’une générosité émouvante, donnant sous le frémissement de sa ligne vocale toute la sensibilité et le lyrisme d’un personnage de première importance.


Le Moralès de Benjamin Mayenobe est vocalement des plus ténus, à l’opposé de l’immense silhouette de Jean-Fernand Setti, Zuniga à la voix solide et au timbre profond. Excellent Dancaïre de Kamil Ben Hsain Lachiri, à la projection franche, et un Remendado scrupuleux, mais flou de diction, de Daegweon Choi, deux grands habitués de la scène messine. Frasquita (Capucine Daumas) et Mercédès (Cécile Dumas) accompagnent bien Carmen, avec des timbres distincts, la première projetant sa voix de façon étonnamment percutante, mais de manière souvent un rien criée et acide.


Le jeune chef espagnol José Miguel Pérez-Sierra dirige l’Orchestre national de Metz avec finesse et souplesse, mais certaines scènes manquent d’impact, comme le combat des cigarières, du fait aussi d’un chœur féminin aux aigus pianissimo comme fortissimo perfectibles. Tout cela nous épargne une production trop classique, même si tout le monde n’y trouvera pas son compte. Le public messin, en tout cas, fait une vraie fête aux artistes!



Emmanuel Andrieu

 

 

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