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Zimerman ou l’absolu

Paris
Philharmonie
06/07/2019 -  et 21 janvier (Bologna), 5 (Tokyo), 9 (Fukuoka), 31 (Taipei) mars, 6 (Taichung), 28 (Lyon) avril, 10 (Essen), 13 (Leipzig), 21 (Antwerpen), 26 (Groningen) mai, 2 (Amsterdam), 12 (Berlin), 20 (Lugano) juin 2019
Johannes Brahms : Sonate pour piano n° 3, opus 5
Frédéric Chopin : Mazurkas, opus 24 – Scherzos n° 1, opus 20, n° 2, opus 31, n° 3, opus 39, et n° 4, opus 52

Krystian Zimerman (piano)


K. Zimerman (© Bartek Barczyk/Deutsche Grammophon)


Incroyable mais vrai : Krystian Zimerman, l’un des plus grands pianistes d’aujourd’hui, n’avait pas encore joué à la Philharmonie. Son récital a comblé notre attente.


Les difficiles Sonates pour piano de Brahms l’ont toujours attiré : il les enregistrait dès la fin des années 1970, à l’aube de sa carrière. La gigantesque Troisième, qui dépasse, dans le sillage de Beethoven, les limites du genre, révèle une absolue maîtrise de la forme et du son. Cette forme, pourtant, est complexe, avec ses cinq mouvements très savamment structurés, ses emportements et ses effusions d’un romantisme exalté ou apaisé : rebelle à tout éclatement, le pianiste polonais parvient à une remarquable unité, à un équilibre souverain, déchaînant des tempêtes dans l’Allegro maestoso initial ou le Scherzo, suspendant le temps dans l’Andante ou l’Intermezzo. De même, la sonorité est sculptée, granitique, d’une puissance exempte de toute dureté, ou amoureusement pétrie, d’une rondeur sensuelle, avec un éventail de couleurs et de nuances qu’on n’aurait pas imaginé. Un « concert sans orchestre », comme la Troisième Sonate de Schumann – en fa mineur elle aussi, pas moins ambitieuse. Lorsque la main gauche de l’Intermezzo, semble citer le rythme du thème initial de la Cinquième Symphonie de Beethoven, elle sonne comme de vraies timbales.


Cet art de la coloration donne une dimension nouvelle aux Quatre Mazurkas opus 24 de Chopin, réinventées, dont il épure et transcende, sans l’effacer, la verdeur de l’inspiration populaire. La Deuxième et la Quatrième deviennent des Etudes pour les sonorités opposées : les a-t-on souvent écoutées ainsi jouées ? Les quatre Scherzos, qu’on n’entend pas toujours ensemble, ne fascinent pas moins. Zimerman, que certains ont dit cérébral, en fait un cycle au romantisme brûlant, une tétralogie de l’ombre et de la lumière, de la noirceur furieuse du Premier à la légèreté du Quatrième, qu’il joue parfois tel un lutin facétieux. Ici encore, on est ébloui parla balance entre la clarté de la forme et l’intensité de l’interprétation, entre l’exaltation des contrastes et le naturel des enchaînements – dans le Premier Scherzo, la tempête du Presto con fuoco et la berceuse du Molto più lento central s’opposent et s’imbriquent. Mais cela n’est possible que parce que Zimerman exerce sur ses doigts un empire total – incroyables octaves et coda du Troisième Scherzo. On le sait exigeant, épris d’absolu. D’autres le sont aussi, lui y parvient. Après ces quatre Scherzos, aucun bis possible, à moins de rompre le charme. Il n’en a pas donné.



Didier van Moere

 

 

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