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Court mais exemplaire

Baden-Baden
Festspielhaus
05/18/2019 -  et 10 (Schweinfurt), 12, 13 (Praha), 19 (Zürich), 20 (Innsbruck), 22 (Lugano) mai 2019
Bedrich Smetana : Má Vlast
Bamberger Symphoniker, Jakub Hrůsa (direction)


J. Hrůsa (© Andreas Herzau)


Jakub Hrůsa a fait du chemin depuis la dernière fois où on se souvient l’avoir entendu, à la tête du Philharmonique de Strasbourg en 2010. Il avait à l’époque des manières de jeune chef prometteur mais prudent voire timoré. Aujourd’hui directeur musical des Bamberger Symphoniker mais aussi principal chef invité au Philharmonia Orchestra et à la Philharmonie tchèque, cet élève du regretté Jirí Bělohlávek en impose par son autorité naturelle de musicien confirmé. En aucune façon des allures de star de la baguette mais une démarche et des attitudes sobres, une gestique agréable à observer et qui traduit des intentions claires... manifestement une valeur sûre en train de consolider un évident savoir-faire.


Né à Brno en 1981, Hrůsa est évidemment en terrain de connaissance dans Ma Patrie de Smetana, a fortiori en dirigeant l’orchestre avec lequel il a déjà enregistré une très bonne version discographique de ce cycle en 2015/2016 (Tudor). Rappelons aussi que les Bamberger Symphoniker ont été fondés en 1946 à partir d’un noyau de musiciens tchèques ayant choisi l’exil. Des racines relativement oubliées maintenant, mais dont il doit bien rester quelque chose. C’est donc à un concert à bien des égards idiomatique auquel on peut s’attendre, en déplorant simplement qu’on ait eu l’idée saugrenue de l’interrompre par un entracte en plein milieu. Pour un cycle qui ne dure que 80 minutes, il aurait été plus judicieux de l’interpréter dans sa continuité, surtout quand le chef paraît aussi préoccupé de soigner les enchaînements entre chaque poème symphonique afin de renforcer la cohérence de l’ensemble.


On entend beaucoup La Moldau en concert, mais beaucoup moins souvent Ma Patrie en entier. Ici c’est bien entendu Vysehrad qui ouvre le concert, évocation d’un rocher situé au bord du fleuve au sud de Prague, lieu historique d’un certain nombre de péripéties médiévales, avec son beau thème à la harpe, ou plus exactement aux deux harpes, que le chef a la bonne idée de placer à droite et à gauche de l’orchestre, se répondant en une stéréophonie judicieuse. L’orchestre en tournée, malgré un raccord de dernière minute effectué dans le Festspielhaus encore vide, peine à s’échauffer, avec des cuivres un peu incertains et verts, mais pour La Moldau tout rentre dans l’ordre : une exécution d’un parfait naturel, pour un cheval de bataille symphonique que l’on parvient encore à redécouvrir ici d’un regard neuf, grâce à la fraîcheur des timbres et aussi à l’absence d’affectation d’une telle lecture, où tout paraît évident. Excellente lecture de Sarka ensuite, aux accents dramatiques fortement soulignés (superbe solo de clarinette, d’une intensité quasi cinématographique), jusqu’à un tourbillon final implacable (un impitoyable massacre, d’après l’argument).


Entracte vraiment inutile ! A part peut-être pour laisser les harpistes, qui n’ont plus rien à faire, s’éclipser plus discrètement et rentrer dans leur chambre d’hôtel. Mais se remettre à l’heure tchèque n’est pas trop difficile, grâce à une exécution de Par les prés et les bois de Bohême d’un souffle magnifique : sans doute l’un des plus beaux moments de la soirée, que les Bamberger Symphoniker restituent avec des timbres d’une saveur très particulière, le chef veillant quant à lui aux changements de climat sans jamais donner l’impression d’une erratique juxtaposition d’ambiances. Et puis le cycle s’achève avec Tábor et Blaník, quasiment enchaînés par le chef, ce qui est logique vu leur parenté thématique, autour d’un choral hussite majestueusement clamé. Deux volets un peu plus massifs, mais qui s’articulent bien voire élargissent le cadre, à la façon des toiles historiques de l’Epopée slave d’Alfons Mucha, larges tableaux spectaculaires et fastueusement colorés auxquels une exécution aussi riche fait irrésistiblement penser.


Deux bis pour conclure ce programme trop court mais dense, musiques de ballet extraites de La Fiancée vendue, Polka et Furiant qui là encore donnent une impression d’évidence : celle d’entendre cette musique avec exactement le bon dosage entre saveur populaire et raffinement orchestral de bon aloi. Jakub Hrůsa y veille, sans tolérer le moindre écart. Une véritable démonstration de bon goût, ce qui est tout sauf facile,dans ces musiques que l’on a vite tendance à alourdir. Hrůsa et les Bamberger Symphoniker : vraiment un couplage à surveiller de près au cours des prochaines années ! Ces musiciens viennent d’ailleurs de se produire au Printemps de Prague 2019, dont l'ouverture s’effectue toujours traditionnellement avec cette même Ma Patrie : un honneur qui n’est pas arrivé par hasard.



Laurent Barthel

 

 

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