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Schumann et Brahms en duo

Baden-Baden
Festspielhaus
05/03/2019 -  
Johannes Brahms : « Regenlied »-Zyklus, opus 59
Robert Schumann : Dichterliebe, opus 48 – Six Lieder, opus 89 – Trois Lieder, opus 119 – Trois Chants sur des textes hébraïques de Byron, opus 95

Christian Gerhaher (baryton), Gerold Huber (piano)


G. Huber, C. Gerhaher (© Andrea Kremper)


Il y a quinze ans déjà, avec sur la pochette du CD un aspect rangé d’interprète intellectuel à lunettes, bien différent du look grisonnant et ébouriffé de vieux sage qu’il arbore aujourd’hui, Christian Gerhaher frappait un grand coup discographique : de passionnants Dichterliebe de Schumann (RCA), qui restent aujourd’hui parmi les plus beaux disponibles. Et ce sont bien encore ces Dichterliebe qui paraissent la partie la plus aboutie de ce récital au Festspielhaus de Baden-Baden.


La voix du baryton allemand n’a pas vraiment vieilli, tout juste paraît-elle un peu moins homogène, avec des aigus plus difficiles à soutenir et dès lors chantés trop fort, ce qui leur donne un caractère bizarrement proéminent par rapport à un médium et des graves plus discrets. Mais le timbre reste immédiatement familier, ainsi qu’une esthétique du Lied vraiment spécifique, qui recherche opiniâtrement un parfait équilibre ente parlé et chanté. Il est d’ailleurs édifiant de comparer ce que fait Gerhaher à l’opéra, où il chante vraiment, avec des réserves de puissance étonnantes, par rapport à ses attitudes en Liederabend, où il amenuise son timbre au point de le blanchir voire presque l’essouffler. Un exercice extrême qui consiste à ne nourrir la ligne de chant qu’avec le minimum nécessaire, pour juste colorer les mots, leur donner davantage de substance, sans jamais les dénaturer. Et c’est évidemment là que la notion de partenariat devient fondamentale, car assurément sans Gerold Huber au piano ce chant-là serait submergé, noyé. Mais ces deux-là se connaissent quasiment depuis toujours (ils sont nés dans la même bourgade bavaroise, et la même année !) et collaborent depuis trente ans, à raison d’une vingtaine de concerts ensemble par saison. Alors inutile de préciser que le calibrage est parfait, et quand la voix paraît un peu trop neutre, voire proche de l’absence, c’est le piano qui prend la parole, avec une richesse de couleurs et de nuances vraiment prodigieuse, mais toujours d’une attentive discrétion. De tout le concert il ne nous semble pas avoir entendu véritablement Gerold Huber jouer une seule fois fort : l’instrument est toujours bridé, impérieusement dominé. On ne peut plus vraiment parler de chant et d’accompagnement, mais plutôt de musique de chambre à deux, au détriment d’ailleurs d’une certaine théâtralité. Par rapport à l’enregistrement des Dichterliebe, qui fut l’un des tout premiers du duo, l’impression de prise de distance est beaucoup plus grande, avec même un certain détachement par rapport aux affects très forts des textes de Heine. Tout est intériorisé à l’extrême, et heureusement ce creusement est respecté par le public, qui ne bouge et ne tousse quasiment pas, ce qui permet d’apprécier non seulement la musique mais aussi la qualité du silence qui l’entoure et la fait mieux ressortir.


Des Dichterliebe suprêmes, au cours desquels on retient constamment son souffle, mais ailleurs un concert un peu long, où on n’est pas certain que Christian Gerhaher parvienne à renouveler suffisamment son esthétique pour passionner continuellement. Il est vrai qu’en rester exclusivement à Schumann et Brahms n’est pas un gage de diversité extrême, et même si toutes les pièces sont minutieusement choisies, y compris beaucoup de raretés intéressantes, elles finissent, avec une telle approche, par toutes se ressembler. En tout début de programme le petit cycle Regenlied de Brahms pâtit d’une voix qui peine à s’échauffer, au timbre pauvre, ne trouvant sa projection qu’en malmenant l’aigu et en maintenant sur scène une curieuse assise du corps, peu élégante, traduisant une perceptible nervosité. A l’autre bout du récital, un choix automnal de lieder de Brahms se révèlera beaucoup plus abouti, mais avec là encore une certain déficit en substance vocale qui peut gêner. Schumann en revanche, représenté ici, outres les Dichterliebe, par les Opus 89, 95 et 119 intégraux, parvient à un équilibre indiscutable, sans doute longuement recherché en ce moment par les deux partenaires, en vue de leur vaste projet d’enregistrement discographique de tous les lieder de Schumann. Un ensemble qui se veut absolument complet, et qui se concrétisera pour l’essentiel en 2020.



Laurent Barthel

 

 

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