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Musiques françaises

Normandie
Deauville (Salle Elie de Brignac)
05/03/2019 -  
Guillaume Lekeu: Adagio pour orchestre à cordes (arrangement pour septuor à cordes de Julien Giraudet) – Trois Poèmes pour voix, quatuor à cordes et piano: «Nocturne»
Ernest Chausson: Quelques danses, opus 26 – Chanson perpétuelle, opus 37
Maurice Ravel: Chansons madécasses
Claude Debussy: Quatuor à cordes, opus 10

Ambroisine Bré (mezzo-soprano), Mathilde Caldérini (flûte), Raphaël Pagnon (alto), Adrien Bellom (violoncelle), Simon Guidicelli (contrebasse), Théo Fouchenneret (piano), Quatuor Hanson: Anton Hanson, Jules Dussap (violon), Gabrielle Lafait (alto), Simon Dechambre (violoncelle)


A. Bré, le Quatuor Hanson et T. Fouchenneret (© Stéphane Guy)


Le huitième et avant-dernier concert du vingt-troisième festival de Pâques de Deauville comportait un programme exclusivement français. Les pièces proposées, pour la plupart assez brèves et méconnues, illustraient le meilleur de la musique de chambre au tournant des dix-neuvième et vingtième siècles. D’abord, il y eut des œuvres de deux compositeurs de la «bande à Franck» (César), en alternance, puis deux œuvres du binôme indissociable, Ravel et Debussy.


Du corpus forcément restreint de Guillaume Lekeu (1870-1894), compositeur belge mais formé en France et dont la mort prématurée a renforcé la légende, on entend son Adagio pour orchestre à cordes (1891) puis un Nocturne (1892).


L’Adagio aux chromatismes wagnériens bénéficie de sa concentration résultant de l’arrangement pour sextuor de Julien Giraudet, sur commande du festival. Ses paysages désolés voire désespérés et l’interprétation des jeunes rassemblés par Yves Petit de Voize, directeur artistique du festival, le tirent vers La Nuit transfigurée d’Arnold Schönberg, pourtant postérieure de huit ans. On est vraiment à la fin d’un siècle et l’aube d’une nouvelle ère. La maturité des jeunes interprètes ne cesse de frapper.


Le Nocturne, sur un poème de Guillaume Lekeu lui-même, permet ensuite de découvrir la voix d’Ambrosine Bré. La clarté de sa prononciation et ses magnifiques pianissimos dans les aigus conjugués à un piano aussi discret dans l’accompagnement que délicat font de l’interprétation de ce soir un superbe moment.


Les Quelques danses (1896) d’Ernest Chausson (1855-1899) qui séparent les deux pièces de Lekeu constituent une entorse à la charte du festival normalement consacré à la pratique collective de la musique de chambre, mais somme toute bienvenue. Théo Fouchenneret, récemment nommé aux Victoires de la musique et frère de Pierre entendu le 27 avril, y déploie un jeu fait de retenue et manifeste un sens aigu de la couleur. La pédale est un peu insistante dans la «Forlane» finale mais il n’y a aucune esbroufe et l’on songe souvent à Fauré, là aussi un compositeur postérieur.


La Chanson perpétuelle (1898) est une des œuvres les plus connues d’Ernest Chausson. Inspirée par un poème de Charles Cros, à la fois intime et déchirante, elle bénéficie de la tenue de voix d’Ambrosine Bré et de la beauté de son timbre sombre comme de la prestation exemplaire du Quatuor Hanson.


Dans les Chansons madécasses (1926) de Maurice Ravel (1875-1937) sur des poèmes de l’oublié Evariste de Parny, la mezzo-soprano montre qu’elle sait passer d’un univers à un autre sans problème. En furie, elle parvient même à faire peur dans «Aoua» grâce à une belle projection. On ne connaît pas les résultats sonores aux extrémités latérales de la salle, ConcertoNet ayant eu par le passé des expériences négatives sur ces bords mais, cette fois, c’est très convaincant. On est vraiment au milieu des sortilèges ravéliens. Le piano de Théo Fouchenneret couvre quasiment le beau violoncelle d’Adrien Bellom dans ce passage mais sait s’assagir quand il le faut, notamment dans le Lento final.


Le concert d’achève avec l’unique Quatuor (1893) de Claude Debussy (1862-1918) par le jeune Quatuor Hanson (fondé en 2013). On a là une nouvelle fois un ensemble très prometteur et l’on peut d’ailleurs rendre grâce au festival d’avoir depuis plusieurs années fait découvrir ou soutenu des quatuors de grande qualité, à chaque fois différents (quatuors Ebène, Ardeo, Girard, Hermès, Verdi, Cambini...). Les organisateurs de la Biennale de quatuors à cordes de Paris qui peinent à renouveler leurs affiches – les Hagen et Arditti (qui massacre régulièrement ses créations) semblent disposer d’une carte d’abonnement à la Cité de la musique – devraient s’en inspirer.


L’interprétation du Quatuor de Debussy est de haute tenue. L’équilibre est parfait et l’alto de Gabrielle Lafait, souvent le maillon faible des quatuors, participe pleinement à la réussite du deuxième mouvement. Si le troisième mouvement s’effiloche un peu, il touche malgré tout à l’ineffable et le dernier mouvement montre que les membres du Quatuor Hanson n’ont pas froid aux yeux et savent s’engager sans perdre de cohérence.


Au terme de ce magnifique concert, le directeur artistique du festival invite à juste titre tous les artistes de la soirée à rejoindre sur scène le Quatuor Hanson pour une ovation des plus méritées.



Stéphane Guy

 

 

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