Back
Modernités Normandie Deauville (Salle Elie de Brignac) 05/02/2019 - Karlheinz Stockhausen: Adieu pour quintette à vent, n° 21
Ludwig van Beethoven: Quintette pour piano et vents, opus 16
Paul Hindemith: Kleine Kammermusik, opus 24 n° 2
Francis Poulenc: Sextuor pour piano et quintette à vent Ensemble Ouranos: Upama Muckensturm (flûte), Philibert Perrine (hautbois), Amaury Viduvier (clarinette), Rafael Angster (basson), Victor Haviez (cor) – Guillaume Vincent (piano)
L’Ensemble Ouranos et G. Vincent (© Stéphane Guy)
C’est la première fois qu’on entend de la musique de Karlheinz Stockhausen au festival de Pâques de Deauville. Encore un effort et on pourra écouter des pages de Jean Barraqué ou Pierre Boulez ou de la musique spectrale, des jeunes musiciens interpréter des pièces de leur temps. Le festival est décidément de plus en plus audacieux et... passionnant. Malheureusement, en dehors du concert annuel, gratuit, dédié à la musique contemporaine, les pièces proposées sont souvent très brèves. Et il en est ainsi d’Adieu (1966) dudit Stockhausen (1928-2007). Il s’agit d’un quintette à vent de treize minutes, moins abstrait que Zeitmasse pour cinq bois (1956) mais qui annonce très nettement, par son écriture comme suspendue, presque mystique, cette œuvre géniale qu’est Stimmung (1968). Ecrite à la suite du décès d’un jeune organiste lors d’un accident de la route, cette pièce pointilliste ou étale, aux couleurs terreuses, aurait pu illustrer Le Désert rouge d’Antonioni; on y sent la présence du vide, de l’absence. Les interprètes sont regroupés comme cela est souvent requis par Stockhausen. Ils sont placés debout se faisant face autour d’un tout petit espace, vide, dans le noir, à peine éclairés par leurs tablettes posées sur les pupitres. C’est peut-être un peu rapide et la clarinette comme le hautbois paraissent parfois aigres mais les artistes rendent pleinement justice à une œuvre méritant vraiment le détour.
Une partie du public reprend ses esprits avec le Quintette pour piano et vents (1797) de Ludwig van Beethoven (1770-1827), bien plus enjoué. On est du côté de Mozart. L’Andante cantabile central est d’une douceur infinie, le dernier mouvement donnant l’impression d’une belle insouciance grâce à des artistes éprouvant à l’évidence du plaisir à jouer ensemble. Rafael Angster au basson est vraiment exceptionnel; Guillaume Vincent au piano, un habitué du festival, fait preuve d’un toucher toujours délicat.
On est ensuite heureux d’entendre une œuvre de Paul Hindemith (1895-1963), un auteur malheureusement passé à la trappe la veille, qu’il faut et que l’on peut redécouvrir après son Purgatoire dû aux fatwas bouléziennes. C’est un autre visage de la modernité. Contrairement à ce que peut laisser penser son numéro d’opus, la Petite musique de chambre (1922) ne fait pas partie de la série des Kammermusik concertantes. Chaque artiste dialogue d’égal à égal avec les autres. L’Ensemble Ouranos est alors à son meilleur niveau. La netteté des phrasés, la fluidité des discours, la parfaite entente des artistes, l’absence de canards de la part du cor rendent son interprétation en tous points remarquable. De la belle ouvrage.
Avec le Sextuor (1939-1940) de Francis Poulenc (1899-1963), parfait contemporain d’Hindemith, on reste dans la même veine épicée, teintée d’un humour délicat. Les interprètes s’amusent à ces divertissements légers, sans prétention aucune, faisant parfaitement face aux passages les plus virtuoses, presque stravinskiens du troisième mouvement ou au final Prestissimo. Ils ne rechignent aucunement à rejouer, en bis, mais plus rapidement et avec plus d’engagement, un passage du premier mouvement.
On ne peut que regretter que, nonobstant le très gros effort de communication de la ville, envahie de panneaux d’information, la salle n’ait pas été pleine. Les artistes présents ce soir, de haut niveau, auraient mérité un public plus nombreux.
Stéphane Guy
|