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Feux d’artifice printaniers

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Deauville (Salle Elie de Brignac)
05/01/2019 -  
Claude Debussy: Sonate n° 3 pour violon et piano en sol mineur
César Franck: Sonate pour violon et piano en la majeur
Darius Milhaud: La Création du monde, opus 81
Francis Poulenc: Aubade pour piano et orchestre

Renaud Capuçon (violon), Bertrand Chamayou (piano)
Ensemble Ouranos, L’Atelier de musique, Pierre Dumoussaud (direction)


(© Stéphane Guy)


Pas de repos ni pour nos jeunes talents ni pour nos artistes confirmés en ce 1er mai 2019: ils étaient à la tâche à Deauville pour le sixième concert du vingt-troisième festival de Pâques de musique de chambre de la ville.


Parmi eux, figurait le violoniste Renaud Capuçon, cofondateur du festival et organisateur d’un autre festival «de Pâques», concomitant, celui d’Aix-en-Provence. Il a atteint un tel niveau de notoriété et de maîtrise artistique qu’il peut se permettre de sortir des sentiers battus, explorant ainsi depuis quelque temps les concertos pour violon du vingtième siècle méconnus et même ne dédaignant pas la création contemporaine. C’est donc avec un vif intérêt qu’on l’attendait dans la Quatrième Kammermusik de Paul Hindemith. Las, un accident ayant empêché la venue d’un musicien, il fallut changer le programme car il s’agit d’une sorte de concerto brandebourgeois où chacun a son quart d’heure de célébrité. On y perdit une œuvre injustement méconnue et y gagna deux sonates pour violon et piano, Renaud Capuçon étant alors accompagné par un autre fidèle de festival, plus jeune et menant aussi désormais une brillante carrière internationale et au disque, Bertrand Chamayou.


Dès la première (1917), de Claude Debussy (1862-1918), le violon de Renaud Capuçon impressionne. Légèrement plus râpeux que d’habitude, il donne de la sonate une lecture pleine de vie. La variété de la palette de couleurs déployée par le violoniste n’empêche pas de déceler comme une inquiétude aussi sournoise que le mal qui ronge Debussy lors de la composition de l’œuvre. Bertrand Chamayou manifeste une attention de tous les instants. Si son piano est parfois trop puissant, l’équilibre avec le violon est globalement exemplaire.


On voit ensuite que Renaud Capuçon connaît parfaitement la Sonate (1886) de César Franck (1822-1890). Cette connaissance va bien au-delà de sa maîtrise technique. Il en comprend chaque note, chaque phrase. Sa clarté, qui ne nuit en rien à un legato confondant, ne nuit en rien au déploiement d’un discours continûment intense, d’une beauté admirable. Bertrand Chamayou est un compagnon exemplaire dans l’exposé de ces tourments de l’âme. C’est la Sonate de Vinteuil.


Après de telles effusions, sans une once de vulgarité, et la pause, on retrouve des pièces annoncées au programme du concert mais dans un ordre différent, ce qui fait que l’on terminera la soirée – ça ne manque pas de piquant – par une aubade et que de nombreuses personnes en parurent déboussolées, les explications d’Yves Petit de Voize, le directeur artistique du festival, ayant été soit incomprises soit inaudibles par une bonne partie du public en raison notamment d’une sonorisation déficiente.


Comme pour se détendre, on a ainsi droit à La Création du monde (1923) de Darius Milhaud (1892-1974). L’Ensemble Ouranos et L’Atelier de musique dirigés avec dynamisme par un Pierre Dumoussaud toujours bondissant en donne une lecture pleine de vigueur. Ses polyrythmies, ses rythmes jazzy et ses déhanchements sud-américains sont parfaitement mis en valeur. C’est le printemps, comme le dit Blaise Cendras, l’auteur du livret. Cela fuse mais le chef veille à tout et empêche toute anarchie. Chacun rentre dans sa boîte quand il le faut. Tous les interprètes sont épatants mais l’excellence du jeune Ensemble Ouranos, créé en 2014, et notamment de son saxophone solo, ne peut passer inaperçue. Du haut niveau qui laisse présager le meilleur pour le concert du lendemain où des quintettes à vent seront proposés.


L’Aubade (1929) de Francis Poulenc (1899-1963) – «concerto chorégraphique» selon son auteur – permet de retrouver la virtuosité de Bertrand Chamayou. Il se joue de toutes les difficultés de la partition; son indépendance des doigts est frappante. L’ensemble orchestral est peut-être surdimensionné pour la salle Elie de Brignac (en tout cas pour les oreilles de ConcertoNet compte tenu de sa place), les timbales ayant tendance à créer une sorte de brouillard sonore. Mais il passe avec élégance d’une douce ironie à l’élégie, de la fantaisie à une certaine grandeur, de la danse à l’intime. Le public, heureusement nombreux, est évidemment ravi et obtient par ses applaudissements nourris une reprise de «Toilettes de Diane», virevoltante à souhait, au charme fou.



Stéphane Guy

 

 

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