Back
Architecture et beaux moments Aix-en-Provence Grand Théâtre de Provence 04/26/2019 - Wolfgang Amadeus Mozart: Ouverture de La clemenza di Tito, K 621 – Concerto pour clarinette en la majeur, K 622
Ludwig van Beethoven : Symphonie n° 2 en ré majeur, Opus 36
Andreas Ottensamer (clarinette)
Orchestre de chambre de Paris, Elena Schwarz (direction musicale)
A. Ottensamer (© Caroline Doutre)
Alors que le Festival de Pâques d’Aix-en-Provence touche (presque) à sa fin, on pourra dire que le cru 2019, comme par le passé, aura été d’une solide qualité. Si le choix des œuvres manquait un peu de hardiesse cette année, on a pu entendre pléthore de grands solistes et orchestres de premiers plans: le clarinettiste Andreas Ottensamer dont il sera question ici, Nelson Freire, Renaud Capuçon, Rudolf Buchbinder, Arcadi Volodos, Teodor Currentzis et l’Ensemble MusicAeterna, la Camerata de Salzbourg, l’Orchestre de chambre de Paris, le Philharmonique de Radio France, et la Staatskapelle de Dresde.
La première partie du concert débute avec l’ouverture de La Clémence de Titus. Elena Schwarz s’empare de cette superbe page avec la solennité requise, les accords qui frappent les trois coups de l’opéra claquent avec assurance, les silences suspendus qui leur font suite sont éloquents, et la coda est exécutée avec l’allant souhaité. L’Orchestre de chambre de Paris affiche une santé de bon augure.
Le concert se poursuit avec l’unique Concerto pour clarinette de Mozart, écrit deux mois à peine avant la mort du compositeur. De cette partition techniquement redoutable – mais ne le sont-elles pas toutes ? – on n’attend pas seulement une grande agilité, ce dont le clarinettiste autrichien Andreas Ottensamer ne manque pas. Plus que de la virtuosité, soliste et orchestre nous offrent une architecture équilibrée de cette œuvre. Dès le premier mouvement, la clarinette de basset fait valoir ses belles rondeurs et ses graves onctueux, se glissant tout en douceur dans le tissu orchestral, nonchalamment, sans fanfaronnade. L’orchestre est souple et chantant, martial sans excès et le ton joyeux alterne avec celui de la confidence. On savoure un dialogue accompli entre les cordes et les vents, plus particulièrement les bois, hélas souvent noyés dans l’Allegro. Par le somptueux Adagio, on se laisse vite séduire. La construction est amoureusement ciselée et cette façon qu’a Ottensamer de poser les notes finales est d’une élégance absolue. Orchestre et soliste n’essaient pas de s’exclure l’un l’autre et rendent une vibrante justice à ce mouvement dont le caractère sombre n’est pas exagéré. On aurait aimé pareille fusion dans l’athlétique Rondo. Si les acrobaties de la clarinette laissent pantois, si l’humour est bien présent, on regrette que le soliste succombe par moments à une interprétation hédoniste de ce mouvement, par ailleurs plus souvent réservée à l’Adagio. L’orchestre n’est plus qu’un décor, il ne prend aucun risque, tandis qu’Ottensamer nous offre son plaisir. En bis, M. Ottensamer offre l’introduction de l’air de Mario Cavaradossi «E lucevan le stelle», extrait de l’Acte III de Tosca.
Etonnante composition que cette Deuxième Symphonie de Beethoven. A l’heure où le compositeur, à peine âgé de trente-et-un ans, est habité par des idées suicidaires dues à une surdité qui s’aggrave, il écrit ces pages enjouées et virevoltantes. L’Orchestre de chambre de Paris fait éclore cette farandole de joyeusetés, mêlées de résignation, avec beaucoup de panache, mais aussi de précision, et sans maniérisme excessif. Dans un tel foisonnement d’idées, véritable dédale dans lequel une baguette peu experte se perdrait vite, Elena Schwartz garde une souplesse apparente et l’ensemble est solidement charpenté. Dans l’Adagio molto, les musiciens font littéralement chanter la lente solennité dès l’introduction avec une belle prestation des altos et violoncelles dans la partie Allegro con brio de ce premier mouvement. Avec le Scherzo allegro, la nuance de ton entre la joie sereine et pastorale du Larghetto, devenue ici gaieté capricieuse, est clairement marquée. L’Allegro molto est joué dans le même esprit, mais avec un engouement plus délicat et peut-être plus piquant. Les cordes aiguës sont remarquablement alertes et capricantes à souhait, tandis que la flûte, puis les bassons, se détachent à merveille de l’ensemble.
Incontestablement un très bon concert, avec des œuvres bien architecturées et ponctuées de quelques moments d’excellente tenue.
Christian Dalzon
|