About us / Contact

The Classical Music Network

Bruxelles

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Robert le Diable conquiert Bruxelles

Bruxelles
Bozar, Salle Henry Le Bœuf
04/02/2019 -  et 5* avril 2019
Giacomo Meyerbeer: Robert le Diable
Dmitry Korchak (Robert), Nicolas Courjal (Bertram), Julien Dran (Raimbaut), Patrick Bolleire (Alberti, Prêtre), Lisette Oropesa (Isabelle), Yolanda Auyanet (Alice), Pierre Derhet (Héraut, Maître de cérémonie), Annelies Kerstens (Dame d’honneur), Marc Coulon, Alejandro Fonte, Damien Parmentier, Richard Moore (Chevaliers), Gérard Lavalle (Joueur)
Académie des Chœurs de la Monnaie, Chœurs de la Monnaie, Martino Faggiani (chef des chœurs), Orchestre symphonique de la Monnaie, Evelino Pidò (direction)


E. Pidò


Le doute n’est plus permis: Meyerbeer revient en odeur de sainteté. Pour cette version de concert de Robert le Diable (1831), donnée à deux reprises, de nombreux spectateurs occupent la plupart des sièges à tous les étages de la Salle Henry Le Bœuf. Si les archives sont exactes et complètes, cet opéra n’avais plus été programmé par la Monnaie depuis un peu plus d’un siècle. A défaut d’en proposer une mise en scène, huit ans après des Huguenots d’anthologie, la maison ne lésine pas sur les moyens avec une distribution de haut niveau et un chef d’opéra réputé qui exécute une partition réservant quelques surprises – le deuxième acte ne débute pas avec Isabelle («Que je hais les grandeurs»), mais sur un air de Robert méconnu («Oh! Ma mère, ombre si tendre»). Détail qui a son importance, le texte de présentation du programme est rédigé par Robert Letellier, probablement le plus grand spécialiste du compositeur.


L’implication et la rigueur des interprètes rendent justice au premier grand opéra de Meyerbeer. Les chanteurs non francophones s’efforcent de prononcer soigneusement le français, malgré un léger accent pour certains. Débutons par la seule déception, toute relative: nous ne sommes pas entièrement convaincus de l’adéquation entre le rôle de Robert et le profil vocal de Dmitry Korchak, malgré les mérites du ténor. L’émission se révèle contrainte et forcée: trop centrée sur le haut du registre, la voix explore peu le médium, bien qu’il s’y montre capable de finesse. Si le chant paraît ainsi monotone et peu varié, le ténor cultive néanmoins un phrasé ferme et élégant, tandis que le timbre sonne avec clarté. Mais qu’accomplirait Michael Spyres dans ce rôle?


Le Bertram de Nicolas Courjal laisse admiratif pour la somptuosité du timbre et la perfection de la déclamation, mais la voix devrait retentir avec plus de noirceur et de mordant. La basse affiche beaucoup de prestance et une nature élégante, ce qui amoindrit quelque peu le caractère maléfique de son personnage, malgré l’évident souci de caractérisation dont le chanteur témoigne. Julien Dran expose les mêmes qualités de tenue stylistique. Dans le rôle de Raimbaut, le ténor délivre, une fois de plus, un chant de grande école, de nature intrinsèquement française, ce qui s’applique également à l’impeccable Patrick Bolleire, doublement en charge des rôles d’Alberti et du Prêtre. Pour en terminer avec ces messieurs, Pierre Derhet se démarque en comprimario par sa voix et son style, ce qui atteste de son potentiel.


Belle découverte que Yolanda Auyanet en Alice : cette soprano qui cultive un art du chant raffiné met en valeur une voix souple et richement timbrée. Mais c’est Lisette Oropesa en Isabelle qui persistera le plus longtemps dans la mémoire. Cette soprano lyrique au timbre coloré nous repaît de sa voix capiteuse, nette dans l’aigu et nourrie dans le medium. Son chant d’une parfaite justesse expressive se distingue par la précision du phrasé, l’agilité des vocalises et le contrôle du vibrato – les sons filés sont un enchantement. Et ce qui ne gâte rien, cette chanteuse qui ne rencontre manifestement aucune difficulté dégage un charme irrésistible. En regard de tout ceci, le très léger accent de son français importe peu.


Capable à la fois de fougue et de rigueur, d’éclats et d’intimisme, de nuances et de puissance, Evelino Pidò dirige ce concert comme si sa vie en dépendait, avec un enthousiasme et une passion communicatifs. Le chef confère de la majesté et de la profondeur à cette musique, parfois en accentuant les effets, ce que l’œuvre supporte finalement assez bien, tandis que l’interprétation demeure cohérente et élégante. Voilà pourquoi nous ne ratons pas les versions de concert dirigées par le maestro, depuis un inoubliable Guillaume Tell en 2014. Remarquable de cohésion et de transparence, l’orchestre joue avec plénitude, sans sécheresse, ni brutalité excessive. Les musiciens se surpassent: si les pupitres développent collectivement une palette étendue, de belles interventions solistes émergent du flux orchestral – le violoncelle solo, les bois, la harpe. Quant aux chœurs, ils sont tout simplement superbes de verve et de sonorité.


Le constat s’impose: exécutée de la sorte, cette œuvre a une sacrée classe. Et au terme de cette longue et inoubliable soirée, c’est un public conquis qui acclame debout les interprètes.



Sébastien Foucart

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com