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Les clairs-obscurs de Don Pasquale Paris Palais Garnier 03/22/2019 - et 25*, 28, 30 mars, 2, 6, 10, 13, 16 avril 2019 Gaetano Donizetti : Don Pasquale Michele Pertusi (Don Pasquale), Christian Senn*/Florian Sempey (Dottor Malatesta), Javier Camarena (Ernesto), Pretty Yende (Norina), Frédéric Guieu (Un notaro)
Chœurs de l’Opéra national de Paris, Alessandro Di Stefano (chef des chœurs), Orchestre de l’Opéra national de Paris, Michele Mariotti (direction musicale)
Damiano Michieletto (mise en scène), Paolo Fantin (décors), Agostino Cavalca (costumes), Alessandro Carletti (lumières), rocafilm (vidéos)
(© Sebastien Mathé/Opéra national de Paris)
C’était un des ratages de la saison dernière. Damiano Michieletto sabotait l’entrée à l’Opéra de Don Pasquale par une mise en scène prétendument moderne, avec un côté néoréalisme italien, où il actionnait sans finesse les vieux ressorts d’un comique facile. Pour corser la sauce, il convoquait la vidéo, tarte à la crème des mises en scène lyriques d’aujourd’hui, un personnage muet de vieille bonne du barbon – autre ficelle dont on commence à se lasser... Il fallait bien aussi, opérer quelques détournements : le neveu du barbon, Ernesto, doit visiblement partager Norina, devenue actrice, avec l’entremetteur Malatesta, le pauvre Don Pasquale, lui, finissant dans un Ehpad... Entre Le Barbier de Séville, Samson et Dalila et ce Don Pasquale, Michieletto, toujours brillant et souvent creux, ne se sera guère illustré à Paris.
L’Opéra, en tout cas, semble beaucoup l’aimer, comme il aime distribuer des sopranos légers là où il faut des voix plus centrales – ce doit être la seule maison aujourd’hui où Rosine n’est pas mezzo... Remplacer Nadine Sierra par Pretty Yende ne résout pas le problème posé par la tessiture de Norina : c’est un rossignol à croquer, agile et charmant, mais sans chair à partir du médium, qui ne peut affronter les passages plus tendus comme le duo duel conjugal – de quoi s’interroger sur sa future Manon à Bastille. Faut-il rappeler que le rôle fut créé par la Grisi ? On gagne au change, en revanche, avec Javier Camarena, découvert à travers son Elvino de La Somnambule en 2010 et dont le Tonio donizettien vient de mettre le Met à genoux : Lawrence Brownlee s’oublie vite à l’écoute de cet Ernesto éblouissant, au timbre éclatant comme le soleil, à la ligne et aux nuances de styliste. Après un air d’entrée peu phrasé, Christian Senn endosse bien l’habit du docteur Malatesta, notamment dans le sillabando du duo avec Don Pasquale, sans toutefois le panache de Florian Sempey. Michele Pertusi semble heureusement moins fatigué que la saison passée, a plus de présence en pauvre homme immature, montrant toujours qu’une vraie basse buffa sait garder une ligne châtiée.
Evelino Pidò dirigeait sèchement. Rien de tel avec Michele Mariotti, dont la direction respire dès la Sinfonia, avec des rondeurs et des courbes, une grande souplesse agogique et ses subtilités coloristes. Mais le chef, surtout, ne se laisse pas griser par le tourbillon du buffa, qu’il aurait presque parfois tendance à oublier, sensible à la morbidezza nimbant l’œuvre, pas seulement le mélancolique Prélude du deuxième acte – magnifique et poignant solo de trompette dans la fosse. Mariotti l’a compris : Don Pasquale, qui s’achève la nuit au jardin, est aussi un opéra du clair-obscur.
Didier van Moere
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