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Quand Rihm sonde la folie

Paris
Athénée - Théâtre Louis-Jouvet
03/15/2019 -  et 22*, 29 mars 2019
Wolfgang Rihm: Jakob Lenz
Vincent Vantyghem (Jakob Lenz), Damien Pass (Oberlin), Michael Smallwood (Kaufmann), Chœur: Parveen Savart, Léa Trommenschlager (sopranos), Elise Dabrowski, Emmanuelle Monier (mezzo-sopranos), Florent Baffi, Andriy Gnatiuk (basses) – Bérénice Arru, Gaspard Cornu-Deyme, Georges Geyer (Trois enfants)
Le Balcon, Maxime Pascal (direction musicale)
Nieto (mise en scène et video), Myrtille Debièvre (scénographie), Florent Derex (projection du son)


(© Le Balcon)


A l’occasion du concert d’ouverture du dernier festival Présences consacré à Wolfgang Rihm (né en 1952), on avait esquissé le portrait suivant: «La "nouvelle simplicité" n’étant, selon ses dires, qu’"une chimère de journaliste", rompons les attaches du compositeur avec ce (pseudo)courant au profit d’une qualité plus fédératrice et explicitement revendiquée: "l’expressivité". Depuis la création du tellurique Morphonie pour quatuor à cordes et grand orchestre par Ernest Bour en 1974 au Festival de Donaueschingen (Rihm avait tout juste vingt-deux ans), l’expressivité se situe en effet au cœur de sa production dont l’étendue intimide en même temps qu’elle rassure via les passerelles jetées entre la rive de la tradition romantique allemande (Mahler et Berg inclus) et celle de notre modernité.»


La «tradition romantique allemande», Jakob Lenz (1978), d’après la nouvelle (1835) de Georg Büchner, baigne en plein dedans. Sous-titrée «opéra de chambre», l’œuvre ressortit au théâtre lyrique en huis clos qui fait le succès de The Turn of the Screw de Benjamin Britten, Elegie für junge Liebende de Hans Werner Henze ou The Lighthouse de Peter Maxwell Davies. Mais c’est surtout au Wozzeck du même Büchner que l’on songe à travers la déchéance du poète: Vincent Vantyghem, dont l’engagement vocal n’a d’égal que la large palette expressive (du fausset au récitatif), se voit tyrannisé – tel le malheureux soldat coincé entre le capitaine et le docteur – par Damien Pass (le pasteur Oberlin) et Michael Smallwood (le docteur Kaufmann) – seuls liens qui le rattachent au monde. Il n’est pas jusqu’aux voix blanches des enfants et l’appel à s’abîmer dans l’eau qui ne rappellent les grandes scènes du chef-d’œuvre de Berg. Pétrie de réminiscences, l’écriture du jeune (25 ans) Rihm charrie chorals et amorces de basse-continue au clavecin, impressionne par son invention sans cesse renouvelée.


Tirant partie de la scène modeste du théâtre de l’Athénée, le travail de Nieto se concentre sur la psyché du protagoniste, répercutée par la vidéo: sentences bibliques et paroles oraculaires (le texte est d’une beauté à couper le souffle) se partagent l’écran avec des têtes à la Basquiat et autres images de nature. Tempête sous un crâne, la musique bénéficie de la sonorisation accomplie de Florent Derex: sous la férule d’une diligence extrême de Maxime Pascal, trois violoncelles, un clavecin, une percussion et un pupitre de vents (on reconnaîtra Henri Deléger, l’inoubliable trompettiste du récent Donnerstag aus Licht de l’Opéra Comique) font assaut de merveilles lors des interludes chuchotés pour mieux dérouler le funeste fil du destin (impressionnants coups d’enclume) durant les treize tableaux qui conduiront le poète maudit à sa perte.


Le Balcon, qui fête les dix ans de sa création et les sept ans de sa résidence au Théâtre de l’Athénée, ne laisse pas, décidément, de nous interpeller par la haute qualité artistique de ses productions et la forte cohésion de son collectif!



Jérémie Bigorie

 

 

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