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La jeunesse comme fil conducteur

Paris
Philharmonie
03/13/2019 -  et 14 mars 2019
Felix Mendelssohn: Concerto pour piano n° 1 en sol mineur, opus 25
Johannes Brahms: Symphonie n° 1 en ut mineur, opus 68

Martin Helmchen (piano)
Orchestre de Paris, Herbert Blomstedt (direction)


M. Helmchen (© Giorgia Bertazzi)


Depuis une mémorable Cinquième de Bruckner donnée lors de deux concerts à la fin du mois de mars 2010, Herbert Blomstedt revient chaque année diriger l’Orchestre de Paris. Comment ne pas y voir à chaque fois un moment privilégié? On se souvient, l’année dernière, d’une transcendante Troisième Symphonie de Bruckner et, avouons-le, l’âge du chef s’avançant (toujours bon pied bon œil en dépit de ses quatre-vingt onze ans passés!), on ne raterait sous aucun prétexte ses concerts. En attendait-on trop ce soir? Toujours est-il que, contrairement à l’enthousiasme attendu, cette prestation nous aura laissé un goût d’inachevé, voire d’une certaine incompréhension.


Assez peu joué – l’Orchestre de Paris l’a donné pour la dernière fois en avril 2015 sous la direction de Thomas Hengelbrock – le Premier concerto pour piano de Felix Mendelssohn (1809-1847) est une œuvre composée par un musicien d’à peine vingt ans. Et c’est bien cette juvénilité qui aura été le moteur de l’interprétation de ce soir. Martin Helmchen développe un jeu brillant, plein de fraîcheur et éminemment virtuose: les notes s’enchaînent avec une fougue qui n’est pas sans rappeler le premier mouvement de la Troisième Symphonie «Ecossaise» (dont la composition a débuté en 1829) ou de certaines ouvertures du compositeur allemand. On est séduit par ce soliste bouillonnant dans les mouvements impairs, évidemment plus retenu dans le mouvement lent, qui affiche un romantisme dénué de toute sentimentalité excessive. Pour autant, en fin de compte, on n’est pas totalement convaincu par un jeu somme toute assez lisse, sans aspérités et assez distant, qui aurait pu être plus chaleureux dans l’approche d’une œuvre qu’il a pourtant enregistrée de façon extrêmement convaincante sous la direction de Philippe Herreweghe (Pentatone Classics). Si Herbert Blomstedt dirige l’orchestre avec une vraie justesse de vue (la fougue des cordes dans le premier mouvement! Une petite harmonie qu’il guide avec un soin et une éloquence digne de tous les éloges, petite harmonie qui d’ailleurs s’écoute et ajuste ses traits comme un seul homme), on regrettera des pupitres de cordes trop étriqués dans l’Andante, qui aurait gagné à bénéficier de violoncelles et d’altos d’une plus grande ampleur. Salué avec chaleur par un public néanmoins plus poli qu’enthousiaste, le concerto fut suivi par un bis tiré des Romances sans paroles: cette fois-ci, la sensibilité de Martin Helmchen éclate au grand jour, la rêverie et la poésie enveloppant une Philharmonie silencieuse, décuplant ainsi la finesse d’un jeu qui témoigne des indéniables talents de l’interprète.


En seconde partie, Herbert Blomstedt dirigeait la Première Symphonie de Brahms. Pour l’avoir assez récemment entendu aussi bien dans cette œuvre avec l’Orchestre philharmonique de Berlin (voir ici) que l’avoir admiré dans le Requiem allemand donné ici même il y a un peu plus d’un an, on se dit que ça va être une «grande» interprétation brahmsienne. Et pourtant, sans afficher une franche déception, la question se pose immédiatement: qu’a voulu faire Herbert Blomstedt dans cette symphonie? Car, c’est bien l’incompréhension qui domine à la fin de ce concert. Dès le martellement inaugural, les timbales n’assènent rien: la frappe est légère, presque chambriste, voire sur la réserve. A l’évidence, le chef a souhaité aborder ce premier mouvement avec retenue comme en témoignent certains éclairages où le détail prime sur l’ensemble (quelques traits de bassons ou les coups d’archet des contrebasses), le puissant legato reprenant de temps à autre le dessus sans qu’on perçoive bien la cohérence d’un mouvement extrêmement mouvant. L’Andante sostenuto fut en revanche exemplaire. Radieux, à l’image d’un chef dont on apercevait de temps à autre le sourire bienveillant lorsqu’il se tournait vers les premiers ou les seconds violons, il ne déploie aucun drame, ni aucun abandon. Bien au contraire, les accents «schubertiens» que l’on perçoit ici ou là subliment la clarté et la simplicité des lignes d’une partition où se distinguent tout particulièrement Roland Daugareil au violon et Alexandre Gattet au hautbois. Lancé par la clarinette, le troisième mouvement trahit la mentalité de Blomstedt, qui ne se lance pas ici dans une sorte de course à l’abîme comme certains anciens au soir de leur carrière (on pense à Karajan ou à Giulini par exemple), mais privilégie au contraire la jeunesse qu’il a su conserver. De fait, les sonorités sont une nouvelle fois assez claires et exhalent une sorte d’insouciance que même les emportements de cordes n’effacent pas. L’incompréhension initiale se retrouve néanmoins en grande partie dans le dernier mouvement où, là encore, on n’aura guère trouvé de cohérence, l’orchestre n’ayant pas particulièrement brillé par ailleurs à l’image d’un pupitre de cors assez décevant. La masse orchestrale est reléguée au bénéfice d’une plus grande différenciation des pupitres, le final ne nous emportant jamais vraiment, le caractère inexorable de la dernière partie restant de nouveau sur une réserve assez inattendue.


Si Herbert Blomstedt fut ovationné tant par le public que par les musiciens, avouons pour notre part que ce ne sera pas là un de ses «grands» concerts que l’on gardera en mémoire. Peut-être la Quatrième de Bruckner qu’il dirigera la saison prochaine à la tête de l’Orchestre de Paris (les 8 et 9 janvier) nous permettra-t-elle de revivre le triomphe d’un chef que l’on ne cesse néanmoins d’admirer et de chérir?


Le site de Martin Helmchen



Sébastien Gauthier

 

 

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