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Sans relief Amsterdam Nationale Opera en Ballet 03/02/2019 - et 5, 7, 9*, 13, 17 mars 2019 John Adams : Girls of the Golden West Julia Bullock (Dame Shirley), Davóne Tines (Ned Peters), Paul Appleby*/Lucas van Lierop (Joe Cannon), Hye Jung Lee (Ah Sing), Elliot Madore (Ramón), J’Nai Bridges (Josefa Segovia), Ryan McKinny (Clarence), Carlos García Estévez (Fayette)
Koor van De Nationale Opera, Ching-Lien Wu (chef de chœur), Rotterdams Philharmonisch Orkest, Grant Gershon (direction musicale)
Peter Sellars (mise en scène), David Gropman (décors), Rita Ryack (costumes), James F. Ingalls (lumières), Mark Grey (son), John Heginbotham (chorégraphie)
(© Ruth Walz)
La dernière collaboration du tandem John Adams (né en 1947) et Peter Sellars, Girls of the Golden West, créé en 2017 au San Francisco Opera, ne se situe pas au même niveau d’intérêt théâtral que leurs légendaires Nixon en Chine, Doctor Atomic, El Nino et La Mort de Klinghoffer.
Non que la musique de John Adams ait déçu, car la partition orchestrale de cet assez long opéra en deux actes est peut-être la plus lyrique de tous ses opéras, faisant appel à un orchestre très fourni et adaptant la forme d’un flux ininterrompu dans lequel les arias et dialoguent se fondent parfaitement. C’est plutôt le traitement théâtral de Peter Sellars qui, pour une fois, laisse sur sa faim et ne semble pas en harmonie avec le compositeur. C’est pourtant Sellars qui, ayant refusé l’offre de la Scala de Milan de monter La fanciulla del West, dont il déteste le «sucre glace», a suggéré à Adams, lequel cherchait un nouveau sujet d’opéra, d’aborder le sujet en exploitant tous les thèmes laissés de côté par Puccini dans sa quête d’un opéra formaté: discrimination raciale, identité (qu’est-ce qu’un véritable Américain?), immigration et surveillance des frontières, tous parfaitement adaptés à une œuvre du début du XXIe siècle. En résultent un livret verbeux et une narration qui, s’adressant plus au public qu’aux personnages, finit par lasser.
Il nous a semblé que le dispositif frontal adopté par Sellars et le très brechtien et pauvre décor de David Gropman étaient mal adaptés à la grande scène de l’Opéra d’Amsterdam, ne permettant pas aux voix de se projeter. On comprenait à peine tous ces chanteurs en majorité américains et était obligé de recourir sans cesse au surtitrage, ce qui déconnecte beaucoup de l’action dramatique. C’est précisément ce qui manquait à cette œuvre, ainsi que des personnages auxquels on puisse sinon s’identifier, du moins accorder une crédibilité. Plusieurs histoires s’entremêlent et le projet de mettre en parallèle le chaos, le racisme, la misogynie de l’époque de la Ruée vers l’or avec notre monde aujourd’hui ne se perçoit pas vraiment. Corsetés dans des conventions d’un autre temps, Puccini et David Belasco avaient autrement réussi à sensibiliser leur public à l’atmosphère de cette épopée de l’histoire de l’Amérique.
Les jeunes interprètes, plutôt inégaux, étaient dominés par la forte personnalité de Julia Bullock (Dame Shirley) et Paul Appleby (Joe Cannon). Le chœur des mineurs interprété par le chœur maison était tout à fait exceptionnel de vérité et l’Orchestre philharmonique de Rotterdam dirigé par Grant Gershon donnait à la soirée le relief que refusait le spectacle.
Olivier Brunel
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