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Longue vie aux Musicales franco-russes! Toulouse Halle aux Grains 03/08/2019 - Claude Nougaro : O Toulouse (arrangement Christophe Larrieu)
Claude Debussy : La Damoiselle élue
Maurice Ravel : Daphnis et Chloé Sandrine Piau (soprano), Karine Deshayes (mezzo)
Chœurs du Capitole, Alfonso Caiani (chef de chœur), Orchestre national du Capitole de Toulouse, Kazuki Yamada (direction)
K. Yamada (© Marco Borggreve)
Les premières Musicales franco-russes sont certainement l’événement musical de ce premier trimestre à Toulouse. Lancées à l’initiative de Tugan Sokhiev et débutées le 22 février par La Damnation de Faust sous la direction du chef russe, elles se termineront les 14 et 15 mars par la venue à Toulouse (puis à Paris) des forces musicales du Bolchoï pour deux représentations de concert de La Dame de pique de Tchaïkovski et du rare Ivan le Terrible de Rimski-Korsakov. Outre la désormais célèbre «Académie internationale de direction d’orchestre» si chère à Tugan Sokhiev, les autres temps forts de ce festival sont des concerts de musique de chambre, des ciné-concerts, des concerts avec chœur et ce concert symphonique intitulé «Féerie française» donné ce vendredi par l’Orchestre national du Capitole de Toulouse sous la direction du Japonais Kazuki Yamada, habitué de l’orchestre toulousain depuis 2012 et excellent connaisseur du répertoire français.
Mais l’amitié franco-russe, cœur de ce festival, pérennisé au moins jusqu’en 2021, n’est pas incompatible avec l’évocation de la mémoire du plus célèbre des Toulousains, Claude Nougaro, mort il y a quinze ans. Ainsi ce concert débutait-il par une intelligente et émouvante adaptation du O Toulouse que l’on doit à Christophe Larrieu et qui sonne superbement sous la baguette joueuse et complice de Kazuki Yamada.
Retour ensuite à un répertoire plus traditionnel avec une pièce de jeunesse de Debussy pour deux voix solistes et chœur de femmes, la rare Damoiselle élue. Cette courte pièce en forme de tryptique lorgne souvent du coté de Wagner tout en annonçant par moments le Debussy mature. Malgré sa position au-devant de la scène, Sandrine Piau n’est que trop rarement compréhensible. Il en est de même en ce qui concerne Karine Deshayes, placée elle en retrait au sein de l’orchestre. On perd aussi beaucoup du texte du Chœur du Capitole, un ensemble qui semble même surpris par une entrée, et dont la texture générale, sans doute trop opératique, ne parvient pas à rendre la transparente de cette pièce, et ce malgré la direction élégante de Kazuki Yamada.
Le Daphnis et Chloé est autrement plus convaincant. On sait l’Orchestre du Capitole, comme le chef, familiers de ce chef d’œuvre. Tout ici fonctionne avec un naturel, un sens des phrasés et des ruptures tout à fait saisissant. On avouera préférer dans cette œuvre un chœur moins présent et des voix plus légères que celles des artistes du Chœur du Capitole. Toujours est-il que le délicat passage a cappella comme le final et sa redoutable mesure à cinq temps sont parfaitement réussis.
La direction très chorégraphique de Yamada est non seulement belle à voir mais surtout d’une redoutable efficacité, construisant sur la durée une interprétation brillante mais jamais clinquante. Les interventions solistes, notamment de Sandrine Tilly à la flûte, de Gabrielle Zaneboni au cor anglais et de Chi-Yuen Cheng au hautbois, ravissent à chaque fois. Il en est de même pour le premier violon Kristi Gjezi, au son et au phrasé très pur. La bacchanale finale emporte tout sur son passage, y compris le chef qui tient le dernier accord plus que de raison. Broutille tant l’interprétation donnée ce soir rend justice à un chef-d’œuvre qui ne se livre que lorsqu’il est servi par un excellent orchestre et par un chef qui parvient à donner à l’ensemble liberté et sens de la structure, deux conditions incontestablement réunies ce soir.
Heureux Toulousains qui, en plus de posséder le meilleur orchestre symphonique français, vont pouvoir maintenant profiter d’un festival franco-russe qui est, dès sa première édition, un incontestable succès. Décidément, Toulouse mérite plus que jamais une salle de concert à la hauteur de son orchestre et de ce projet unique et passionnant. Longue vie aux Musicales franco-russes!
Gilles Lesur
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