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Modernités

Paris
Philharmonie
02/27/2019 -  et 28* février 2019
Hans Abrahamsen : Let me tell you
Hector Berlioz : Harold en Italie, opus 16

Barbara Hannigan (soprano), Antoine Tamestit (alto)
Orchestre de Paris, Daniel Harding (direction)


B. Hannigan (© Marco Borggreve)


Une semaine avant, la Musique funèbre de Lutoslawski précédait le Requiem. La création française de Let me tell you de Hans Abrahamsen précède maintenant Harold en Italie. A la faveur de l’année Berlioz, l’Orchestre de Paris juxtapose les modernités. Mais cette fois, le lien est plus étroit encore: le titre du Danois vient du roman éponyme de Paul Griffiths, qui revisite l’Ophélie shakespearienne à partir des mots de l’Elisabéthain. A travers Harriet Smithson, Berlioz lui-même n’a-t-il pas épousé une Ophélie fantasmée?


La partition témoigne d’une remarquable science des timbres, avec parfois, des chatoiements impressionnistes. L’écriture associe des relents de tonalité – jusqu’à l’accord parfait – à des micro-intervalles, comme si une forme de postmodernisme croisait le fantôme lointain de Ligeti, auprès de qui Abrahamsen a d’ailleurs travaillé. Le monologue intérieur de la fiancée d’Hamlet, errance d’une conscience détraquée, oscillant entre rêve et réalité, a été conçu pour son inspiratrice, la soprano canadienne Barbara Hannigan. Emettant dans l’aigu des pianissimi éthérés ou des notes ululées en référence au vibrato monteverdien, elle fascine aussi par l’identification au personnage, jouant autant qu’elle chante – quatre ans après avoir créé Let me tell you à Berlin, elle était à Glyndebourne la première Ophélie de l’Hamlet de Brett Dean.


Abrahamsen, au fond, ressuscite à sa façon les scènes de folie des opéras du passé. Elle s’apparente à un grand lamento, regroupant sept extraits en trois parties, dénué de toute tension, où le temps reste immobile – celui du monologue intérieur. Est-ce pour cela qu’on éprouve une impression de longueur et qu’on ne s’abandonne pas toujours à une musique souvent très suggestive, comme lorsqu’elle évoque, à la fin, un paysage neigeux? L’œuvre semble parfois s’étirer, à cause d’une écriture assez redondante, victime de cette gestion volontairement figée de la durée, malgré le talent de la soliste et du chef, un Daniel Harding attentif et raffiné.


A Ophélie succède Harold, un Antoine Tamestit en état de grâce, qui se promène sur l’estrade comme le héros berliozien voyage en Italie, à côté de la harpe au début, perché à la fin en haut des gradins, avec les autres solistes, pour respecter l’effet de distance indiqué sur la partition – ce qui n’est pas acoustiquement très heureux, l’œuvre posant de toute façon, quel que soit l’interprète, la question de l’équilibre avec l’orchestre, alors que le chef veille ici à ne pas couvrir son soliste. Dès le fugato initial, Daniel Harding est très clair, très analytique, conscient de diriger la plus classique des quatre symphonies berlioziennes, cherchant à restituer à travers des sonorités acérées la lumière italienne. Mais si les couleurs de l’«Orgie de brigands», débordant d’énergie, éblouissent par leur crudité, la «Marche des pèlerins chantant la prière du soir», toute en souplesse, exhale des parfums subtils – les deux parties les plus incontestablement réussies par le chef. Interprétation très «moderne», plus proche d’un Gardiner que d’un Münch, à la fois flamboyante et maîtrisée, à laquelle l’orchestre adhère visiblement.



Didier van Moere

 

 

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