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Le Pirate électrise Genève Geneva Grand Théâtre 02/22/2019 - et 24 février 2019 Vincenzo Bellini : Il pirata Franco Vassallo (Ernesto), Roberta Mantegna (Imogene), Michael Spyres (Gualtiero), Kim Hun (Itulbo), Roberto Scandiuzzi (Goffredo), Alexandra Dobos-Rodriguez (Adele)
Chœur du Grand Théâtre de Genève, Alan Woodbridge (préparation), Orchestra Filarmonica Marchigiana, Daniele Callegari (direction musicale)
(© Fabio Paolone)
Les absents ont toujours tort, c’est bien connu. Le Pirate de Vincenzo Bellini présenté en version de concert à Genève – malheureusement devant un public clairsemé – s’est révélé une soirée particulièrement enthousiasmante, qui s’est achevée sous des applaudissements frénétiques et des ovations, un fait plutôt rare au Grand Théâtre. Il Pprata, créé en 1827 à Milan, est le troisième opéra de Bellini et son premier succès à la Scala. L’œuvre est rarement programmée aujourd’hui, en raison sûrement de la difficulté extrême de la partition pour la soprano et le ténor. Maria Callas avait exhumé l’ouvrage à Milan en 1958 ; Montserrat Caballé avait aussi fait d’Imogène, la fiancée du pirate, l’un de ses chevaux de bataille, du moins au disque. L’été dernier, Sonya Yoncheva a abordé le rôle à Milan avec un succès certain. Durant l’entracte de la deuxième représentation, la soprano bulgare a connu une chute de pression qui l’a obligée à déclarer forfait pour la suite de la soirée. C’est une jeune chanteuse palermitaine de 29 ans, Roberta Mantegna – qui devait initialement assurer deux des six représentations prévues –, qui a sauvé le spectacle et fait pour l’occasion des débuts très remarqués à la Scala.
Roberta Mantegna vient aussi de faire des débuts remarquables et remarqués à Genève en reprenant au pied levé le rôle d’Imogène, initialement dévolu à une collègue tombée malade. Formée au conservatoire Bellini de sa ville natale, la soprano a entamé sa carrière en 2016 avec rien moins que la Norma de Bellini, c’est dire si le compositeur lui porte chance. Très investie dans son personnage, elle a offert un chant habité. Grande voix ample d’essence lyrique, aigus scintillants, vocalises précises, nuances infinies, avec notamment de magnifiques pianissimi, Roberta Mantegna a fait très forte impression. Elle a déjà tout d’une grande et son nom devrait vite devenir familier à tous les mélomanes.
Michael Spyres s’est, lui aussi, illustré dans le rôle impossible du pirate Gualtiero, avec ses aigus particulièrement exposés. Si les notes les plus élevées sont tendues et atteintes au prix d’efforts visibles, le ténor a néanmoins séduit le public avec son timbre vaillant et son phrasé impeccable. Dans le rôle d’Ernesto, Franco Vassallo est un « méchant » à la voix puissante et autoritaire, avec un magnifique legato. On n’en dira malheureusement pas autant de Roberto Scandiuzzi, qui, malgré la noblesse du chant, ne peut désormais plus qu’offrir un timbre blafard et sans mordant. S’il n’est peut-être pas le plus inspiré des chefs, Daniele Callegari connaît son métier sur le bout des doigts et maîtrise les contraintes du « belcanto » : de bout en bout, il a été très attentif aux chanteurs, les couvant du regard. On mentionnera également la belle prestation du Chœur du Grand Théâtre. Une soirée d’opéra électrique comme on en vit rarement à Genève.
Claudio Poloni
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