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Diamant noir Gent Opera Vlaanderen 02/03/2019 - et 5, 8, 10*, 12 (Antwerpen), 21, 23, 27 février, 3 mars (Gent) 2019 Paul Hindemith: Cardillac, opus 39 Simon Neal (Cardillac), Betsy Horne (Seine Tochter), Ferdinand von Bothmer (Der Offizier), Theresa Kronthaler (Die Dame), Sam Furness (Der Kavalier), Donald Thomson (Der Goldhändler, Der Führer der Prévôté)
Koor Opera Vlaanderen, Jef Smits (chef de chœurs), Symfonisch Orkest Opera Vlaanderen, Dmitri Jurowski (direction)
Guy Joosten (mise en scène), Katrin Nottrodt (décor, costumes), Jurgen Kolb (lumières)
(© Annemie Augustijns)
Depuis quelques années, l’Opéra des Flandres explore le répertoire germanique du premier tiers du vingtième siècle en redécouvrant des raretés. Nous nous souvenons ainsi du Roi Candaule de Zemlinsky en 2016 et du Miracle d’Héliane de Korngold l’année suivante. Les mises en scène ne furent pas de franches réussites, mais le volet musical répondait aux attentes. Ce constat s’applique également à cette nouvelle production de Cardillac (1926) de Hindemith, représenté dans sa première version. L’institution flamande déclare qu’il s’agit de la dernière mise en scène en Belgique de Guy Joosten, qui entend désormais exercer son activité exclusivement hors des frontières du royaume, ce qui constitue une étrange manière de concevoir une carrière, surtout si le metteur en scène, pris de remords, revient plus tard sur sa décision.
Cette histoire d’un orfèvre tellement épris par ses créations qu’il en assassine les propriétaires se déroule dans une scénographie noire et abstraite sans véritable intérêt, à l’exception des costumes caractéristiques de la mode de l’entre-deux guerres et de la vidéo évoquant le cinéma de cette époque. Le dispositif – terme, dans ce cas, plus approprié que «décor» – n’a pas dû coûter une fortune, et ce spectacle se tient loin de la beauté et de l’inventivité de celui représenté à l’Opéra de Paris en 2005 et repris en 2008. La direction d’acteur, en revanche, ne déçoit pas. Elle témoigne du métier de Guy Joosten, pour qui l’opéra ne recèle plus aucun secret – pas moins de trente mises en scène lyriques à son actif. Comme il fallait s’y attendre, le spectacle comporte un clin d’œil à l’importante communauté juive d’Anvers et à l’activité diamantaire de la plus grande ville flamande, les deux étant liées – lors de la reprise à Gand à la fin du mois, le public saisira-t-il l’allusion?
L’Opéra des Flandres réunit une distribution peu saillante mais homogène et de qualité. Presque tous les chanteurs débutent dans leur rôle, ce qui n’étonne pas compte tenu de la rareté de cet opéra. Les interprètes se hissent à peu près tous au même niveau, en termes d’investissement et de capacité. Nous aurions toutefois préféré un baryton plus charismatique pour le rôle-titre, bien que Simon Neal, qui signe une prise de rôle et une composition assez saisissantes, se montre convaincant dans son personnage qui ressemble en même temps à un roi et à un bouffon. Betsy Horne, qui incarne sa fille, marque moins les esprits qu’en Volchova l’année passée dans Sadko. Ferdinand von Bothmer affiche une adéquation vocale et théâtrale plus étroite avec son personnage, tandis que Theresa Kronthaler fait valoir bien plus que sa plastique dans ses lascifs mouvements à la barre de strip-tease. Sam Furness et Donald Thomson, déguisé en juif orthodoxe, forment de solides maillons.
La direction musicale de l’excellent Dmitri Jurowski donne envie de fermer les yeux pour profiter pleinement de l’orchestre. Vif et précis, ce dernier développe une sonorité de toute beauté, avec des cuivres tranchants et des cordes nettes. Les musiciens, ainsi que les choristes, rendent cette musique attrayante et addictive, tandis que le chef restitue avec beaucoup de clarté et d’expression le ton objectif et percutant de cet opéra court mais dense. Ce serait merveilleux si l’Opéra des Flandres continuait de défendre ce répertoire en montant prochainement Mathis le peintre.
Sébastien Foucart
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