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De quoi plaire

Marseille
Opéra
02/10/2019 -  et 13, 16, 19, 21 février 2019
Charles Gounod: Faust
Nicole Car (Marguerite), Jeanne-Marie Lévy (Dame Marthe), Jean-François Borras (Faust), Jean-Pierre Furlan (vieux Faust), Nicolas Courjal (Méphistophélès), Etienne Dupuis (Valentin), Philippe Ermelier (Wagner), Kévin Amiel (Siébel)
Chœur de l’Opéra de Marseille, Emmanuel Trenque (chef du chœur), Orchestre de l’Opéra de Marseille, Lawrence Foster (direction musicale)
Nadine Duffaut (mise en scène), Emmanuelle Favre (décors), Gérard Audier (costumes), Philippe Grosperrin (lumières)


(© Christian Dresse)


La présentation scénique de Nadine Duffaut, déjà donnée dans plusieurs maisons françaises, notamment à Massy en 2017, fait le pari toujours osé d’une énième transposition de l’action qui rappelle ici les années soixante. Dans ce qui pourrait ressembler à une cour des miracles moderne se mêlent peuple en haillons, hébété et masqué, personnages masculins en blousons de cuir, jeans, santiags rouges pour Méphisto, et Marguerite en Brigitte Bardot, haut noir moulant, large ceinture élastique et jupe en vichy. Le décor d’Emmanuelle Favre offre un espace unique, vaste chambre décrépite dont le plafond est effondré et sur les murs de laquelle des projections évoquent les changements de lieux. Voilà pour l’habillage. Sur le fond, on peut mettre au palmarès de cette mise en scène quelques trouvailles intéressantes, telles que la projection du tableau de Carl Heinrich Bloch Le Christ couronné d’épines, pour rappeler les souffrances et la mort rédemptrice de Marguerite, ou encore ce prie-Dieu géant comme possible symbole d’une foi démesurée. Plus subtilement, cette immense marionnette représentant Marguerite sur laquelle cette dernière semble coudre sa propre responsabilité dans le destin fatal que lui vaut son manque de discernement. On craignait que la présence tout au long de l’action du vieux Faust en sardanapale tourmenté suivant les turpitudes de sa vie passée à travers son double rajeuni ne devînt lassante, mais non. La scène de la Nuit de Walpurgis n’est pas le meilleur moment. Elle se déroule dans un lupanar asiatique aux contours felliniens, avec Méphisto et Faust succombant aux caresses de langoureuses odalisques. Dans les points forts, il faut ajouter une direction d’acteurs rigoureuse qui nous vaut notamment une Valse mise en «gestes» de façon saisissante et une scène de la prison d’une remarquable intensité. Quitte à déranger par son approche esthétique hardie, cette proposition ne malmène ni le texte, ni le mythe goethéen; ou du moins ce qu’il en reste après le passage de Gounod. Elle a surtout le mérite d’éclairer certains points de l’œuvre rarement évoqués et de nous éviter la quincaillerie médiévale.


La réussite de la soirée est aussi portée par un plateau vocal des plus alléchants. La soprano australienne Nicole Car, acclamée ici même dans le rôle de Violetta pendant les fêtes de fin d’année 2018 est à nouveau très applaudie en Marguerite, rôle dans lequel elle s’investit pleinement. La prononciation du français est bonne, mais les consonnes gagneraient à être affûtées. Elle incarne sans excès la fillette joyeuse du deuxième acte et brille tout particulièrement dans le cinquième avec un poignant «Ange purs, anges radieux…». Le Faust de Jean-François Borras séduit par la facilité naturelle du chant et le raffinement du timbre. Sa cavatine «Salut, demeure chaste et pure…» est tout simplement impeccable de style et d’émotion contenue. Doté d’une voix puissante et d’une grande musicalité, la basse Nicolas Courjal est un Méphistophélès dont le charisme envahit très vite la scène pour ne plus la quitter. Il évite adroitement la caricature et dépasse ce diable de carton-pâte que l’on nous sert souvent. Le rôle de Siébel est distribué à un ténor, on s’en réjouit, et Kévin Amiel tire le meilleur parti de son «Faites-lui mes aveux…». Etienne Dupuis en Valentin est tout à fait à la hauteur de cette distribution de premier plan avec un «Avant de quitter ces lieux…» très stylé ainsi qu’une contribution au quatrième acte qui force l’admiration. Jeanne-Marie Lévy (Dame Marthe), Philipe Ermelier (Wagner), et Pierre Furlan en Vieux Faust apportent une louangeuse pierre à l'édifice. Le Chœur de l’Opéra de Marseille est très acclamé pour son «Gloire immortelle de nos aïeux…», tandis que dans la fosse, Laurence Foster se tient à distance raisonnable de la grandiloquence si tentante dans certains passages, sans manquer de donner à cette partition la vigueur et les beaux moments de finesse qu’elle contient, notamment la superbe introduction de l’air de Siébel et les préludes des quatrième et cinquième actes.


Il n’est pas sûr que cette présentation scénique ait fait l’unanimité dans le public qui semble avoir douté par moments de la légitimité et de l’audace de certains éléments de la mise en scène, mais à aucun moment de la qualité musicale.



Christian Dalzon

 

 

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