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Des années d’autorité

Geneva
Victoria Hall
01/12/2019 -  et 14 (Basel), 15 (Zurich) janvier, 2 (Paris), 4, 5 (Berlin) mai 2019
Ludwig van Beethoven:Sonates pour piano n° 13 «Quasi una fantasia», opus 27 n° 1, n° 7, opus 10 n° 3, n° 27, opus 90, et n° 21 «Waldstein», opus 53
Daniel Barenboim (piano)


D. Barenboim (© Peter Adamik)


Que le lecteur me permette inhabituellement un souvenir personnel : le premier concert classique où je sois allé était en 1976. Daniel Barenboim donnait un récital de piano dans la grande salle du Palais des Congrès, lieu de résidence de l’époque de l’Orchestre de Paris. Cette salle immense, trop grande, était pleine et parmi le public se trouvait Arthur Rubinstein. Déjà à cette époque, Daniel Barenboïm avait conclu son récital avec cette même Sonate «Waldstein».


Si à cette époque, Daniel Barenboim était un musicien reconnu, il n’avait pas la même considération et le même positionnement qu’aujourd’hui. Il avait commencé à programmer Bruckner dans ses concerts à une époque où ce compositeur était somme toute peu joué, il n’avait pas imposé sa marque à Bayreuth, n’avait pas entamé ses collaborations profondes avec des musiciens comme Pierre Boulez, n’avait pratiquement pas d’expérience de l’opéra et bien évidemment n’étais pas encore l’humaniste qui a fondé cette extraordinaire utopie qu’est le West-Eastern Divan Orchestra.


Barenboim était cependant déjà un beethovénien reconnu qui se réclamait d’une certaine tradition issue d’un Furtwängler, cherchant dans un cadre classique à faire ressortir ces moments où apparaissent des lignes fortes. Il avait ainsi démontré une capacité à établir cet élément essentiel chez Beethoven qui est la pulsation et à savoir faire imperceptiblement varier le tempo, une caractéristique essentielle chez Wagner. De même, Barenboim avait insisté pour respecter les nombreux sforzandos si souvent présents dans les indications de Beethoven sans les redouter et sans les écrêter, allant ainsi à l’encontre d’une approche un peu lisse trop souvent pratiquées par nombreux musiciens.


Cette autorité est toujours présente de nos jours. Certes, il ne faut pas chercher à ce que le pianiste ait la même technique qu’en 1976. Il y a aujourd’hui dans son jeu une certaine tendance à surutiliser la pédale et ses forte sont souvent réalisés au détriment d’une certaine clarté de jeu. La Sonate opus 27 n° 1 est jouée avec un peu trop de respect et peut-être apparaît-elle ici comme une œuvre un peu mineure pour démarrer un récital. Barenboim prend plus de risques avec la Sonate opus 10 n° 3 quitte à être au-delà de la limite de sa technique mais le Presto initial a du souffle; quant au sublime Largo, c’est le sommet de cette soirée. Ici Barenboim conduit magnifiquement le discours, développant cet ambitieux mouvement lent comme il l’a souvent fait avec les adagios brucknériens. La Sonate opus 90 a des accents schubertiens. Enfin, la transition entre les deux derniers mouvements de la Sonate «Waldstein» est réalisée avec beaucoup de soin.


Pas de bis malgré l’accueil enthousiaste du public mais après un tel programme, peut-on vraiment demander quelque chose de plus ? Dans tous les cas, la saison des Grands interprètes de l’agence Caecilia se continuera avec plusieurs pianistes d’exception. La prochaine sera l’Italienne Beatrice Rana, qui a dix ans de moins que Barenboim lorsque je l’avais entendu pour la première fois...



Antoine Lévy-Leboyer

 

 

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