About us / Contact

The Classical Music Network

Strasbourg

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

L’horizon poétique

Strasbourg
Opéra national du Rhin
06/30/2018 -  
Lieder et Mélodies de Schubert, Schumann, Ibert, Fauré et Berlioz
Ludovic Tézier (baryton), Thuy Ahn Vuong (piano)


L. Tézier (© E. Ruderman)


Conditions éprouvantes pour ce dernier récital de chant de la saison de l’Opéra national du Rhin. En ce début d’été, la température de la salle (non climatisée) atteint un niveau franchement désagréable, encore qu’on y ait déjà connu des touffeurs encore pires. De surcroît l’atmosphère est très sèche voire saturée d’une bonne quantité de poussière (la maison est vénérable et il n’est pas sûr qu’on y fasse souvent un grand ménage). Même assis dans son fauteuil et ne chantant pas, difficile de prétendre qu’on s’y sente à l’aise, alors on imagine les difficultés que peut y éprouver un récitaliste.


La voix de Ludovic Tézier paraît peiner d’abord à bien s’installer, comme si le timbre ne retrouvait pas facilement ses couleurs habituelles. Au fil des premiers lieder, cette impression de chat dans la gorge s’intensifie jusqu’à finalement amener l’interprète à s’arrêter en plein milieu d’une pièce, le temps de sortir avaler un grand verre d’eau. Ensuite, heureusement, ses facultés d’adaptation fonctionnent mieux et on retrouve petit à petit le timbre et la noblesse d’expression habituels de ce baryton d’exception, en l’occurrence bien soutenu dans l’effort par la pianiste Thuy Ahn Vuong, partenaire attentive d’un duo désormais bien rodé. Belle démonstration de professionnalisme en tout cas, car l’environnement n’est vraiment pas favorable.


Programme de découpe classique, première partie allemande, seconde partie française. Rien de bien original, encore qu’au vu du profil du Ludovic Tézier que nous connaissons, cette incursion inopinée dans Schubert et Schumann puisse paraître osée. Mais on est immédiatement rassuré par une prononciation impeccable, voire châtiée comme peu d’interprètes ataviquement germaniques parviennent à la pratiquer (il subsiste une mesure très française dans cet allemand-là: on pense parfois irrésistiblement à l’élégance d’un Gérard Souzay dans ce répertoire, prestance certes atypique mais admirable). Mondnacht de Schumann, Ständchen de Schubert bénéficient d’une ligne de chant policée, belcantiste même, mais le drame le plus noir peut aussi surgir en filigrane dans un bouleversant « Gute Nacht » liminaire du Winterreise : simple aperçu mais qui nous donne vraiment envie de découvrir le cycle entier par un chanteur aussi maître de lui et aussi minutieusement sûr des affects qu’il parvient à déclencher. Assurément une aventure à vivre, et le cas échéant un disque passionnant, si un jour un tel projet pouvait aboutir.


Seconde partie limpide, par un vrai maître de la mélodie française. Perfection de la diction, tranquille assurance d’une technique sans faille, tout converge pour aboutir à un parfait dosage, toujours à l’équilibre sur les limites subtilement mouvantes entre parlé et chanté. Dommage simplement que peut-être faute de davantage d’implication physique de l’interprète, semi assis sur un tabouret et lisant les partitions ouvertes devant lui, ce naturel paraisse presque trop couler de source, comme une lecture évidente, expression d’un naturel tellement simple que la banalité pourrait ici ou là montrer le bout de son nez. Ibert, Fauré, Berlioz... tout se ressemble un peu, très à distance de la préciosité des salons, mais aussi, parfois d’un théâtre qui pourrait s’extérioriser mieux, même dans ces pages subtilement calibrées. Impression diffuse mais quand même assez prégnante à la longue, et dont le bis conclusif, La Bohème, chanson empruntée à Charles Aznavour, livre peut-être une des clés. Là encore une simplicité absolue et une noblesse sans apprêt : Tézier idéalise tout au même niveau et il a raison de le faire. Reste peut-être aussi à différencier davantage...



Laurent Barthel

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com