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Canto ego sum Geneva
Opéra des Nations
12/21/2018 - et 23, 26, 28*, 30, 31 décembre 2018, 3 janvier 2019
Gaetano Donizetti : Le convenienze ed inconvenienze teatrali (Viva la Mamma)
Laurent Naouri (Mamma Agata), Patrizia Ciofi (Daria, prima donna), David Bizic (Procolo, son mari), Melody Louledjian (Luigia, seconda donna), Luciano Botelho (Guglielmo, primo tenore), Pietro Di Bianco (Biscroma Strappaviscere, chef d’orchestre), Enric Martinez-Castignani (Cesare Salsapariglia, poète), Katherine Aitken (Pippetto), Peter Kalman (L’imprésario), Rodrigo Garcia (Le directeur du théâtre)
Chœur d’hommes du Grand Théâtre de Genève, Roberto Balistreri (préparation), L’Orchestre de Chambre de Genève, Gergely Madaras (direction musicale)
Laurent Pelly (mise en scène et costumes), Julien Chavaz (collaboration à la mise en scène), Jean-Jacques Delmotte (collaboration aux costumes), Chantal Thomas (décors), Joël Adam (lumières)
(© GTG/Carole Parodi)
Le convenienze ed inconvenienze teatrali de Donizetti, appelé plus communément Viva la Mamma pour faire court, est une parodie du monde lyrique : des chanteurs arrivent à une répétition mal préparés, certains n’ayant même pas pris la peine d’ouvrir la partition ; la séance de travail est perturbée par des rivalités, des jalousies et des querelles d’égo ; mécontents de leurs rôles, les interprètes demandent au compositeur de réécrire leurs airs pour mieux mettre en valeur leur gosier ; la « prima donna » est défendue bec et ongles par son mari, alors que sa rivale bénéficie du soutien inconditionnel de sa mère, l’encombrante Mamma Agata ; le ténor et le contre-ténor finissent par quitter la production, le compositeur, le librettiste et le directeur du théâtre n’ayant alors plus que leurs yeux pour pleurer. De rebondissement en rebondissement, tous les clichés du monde de l’opéra et tous les travers de ses acteurs sont brocardés avec brio.
Le metteur en scène Laurent Pelly a eu l’heureuse idée de combiner la farce et la parodie avec une réflexion plus sérieuse : la première partie du spectacle se déroule dans le théâtre d’une petite ville italienne transformé en parking (magnifique décor de Chantal Thomas), pour signifier de façon saisissante l’état déplorable dans lequel se trouve aujourd’hui la culture dans la Péninsule, patrie de l’opéra. La seconde partie est un retour en arrière, puisque la répétition a lieu dans le théâtre au temps de sa splendeur, juste avant l’arrivée d’une équipe d’ouvriers armés de pioches et de marteaux piqueurs qui commencent leur travail de destruction. Le public assiste pour ainsi dire en direct à la disparition de la culture. Une image qui fait froid dans le dos.
Créé à Lyon en 2017, le spectacle est repris à Genève pour les fêtes de fin d’année, avec une distribution en grande partie identique. En Mamma Agata autoritaire et caractérielle, Laurent Naouri est impayable de truculence et de drôlerie, et aussi confondant de maîtrise vocale, à l’aise dans toutes les situations, n’en faisant jamais trop. Si la voix a beaucoup perdu de son mordant, Patrizia Ciofi n’en incarne pas moins avec talent une diva capricieuse à souhait et égocentrique, avec un abattage scénique confondant. Le grand duo entre les deux interprètes principaux, pastiche irrésistible de l’opera seria, est un moment d’anthologie. On retiendra aussi la Luigia fraîche et lumineuse de Melody Louledjian, le Procolo à la botte de son épouse de David Bizic, la caricature du ténor qu’incarne avec maestria Luciano Botelho en chanteur qui s’égosille et surtout le compositeur très à l’aise vocalement et scéniquement de Pietro Di Bianco, qui se paie le luxe d’accompagner lui-même les chanteurs au piano, un joli exploit. Dans la fosse, L’Orchestre de Chambre de Genève est mené avec vivacité et allant par le jeune chef hongrois Gergely Madaras, un nom à retenir.
Claudio Poloni
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