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Une perle à polir Zurich Opernhaus 12/16/2018 - et 22* décembre 2018, 26, 29 janvier, 1er février 2019 Georges Bizet : Les Pêcheurs de perles Olga Kulchynska (Léïla), Sergey Romanovsky (Nadir), Brian Mulligan (Zurga), Wenwei Zhang (Nourabad)
Chor der Oper Zürich, Janko Kastelic (préparation), Philharmonia Zürich, Pavel Baleff (direction musicale)
Jens-Daniel Herzog (mise en scène), Nina Russi (reprise de la mise en scène), Mathis Neidhardt (décors), Sybille Gädeke (costumes), Jürgen Hoffmann (lumières), Ramses Sigl (chorégraphie), Ronny Dietrich (dramaturgie)
(© Suzanne Schwiertz)
Si tous les mélomanes connaissent Carmen, qui est l’un des opéras les plus joués dans le monde entier, peu nombreux sont ceux qui savent que Georges Bizet a composé onze autres ouvrages lyriques, dont Les Pêcheurs de perles en 1863, alors qu’il n’avait que 24 ans. L’Opernhaus de Zurich a étrenné une nouvelle production de l’œuvre en 2010, laquelle est reprise régulièrement depuis. Quel théâtre français s’est-il donné autant de peine ces dernières années pour réhabiliter un ouvrage qui contient bien d’autres trésors que le célèbre duo entre Nadir et Zurga ou la romance de Nadir ?
La production zurichoise des Pêcheurs de perles n’a rien d’exotique. Elle montre crûment une société de castes régie par l’oppression et la terreur. Le metteur en scène Jens-Daniel Herzog a transposé l’action dans les cales sombres d’un cargo rongé par la rouille, où des ouvriers réduits à l’état d’esclaves sont occupés à nettoyer la prise du jour. Certains sont contraints de se déshabiller et d’enfiler un masque pour plonger à la recherche de perles, sous les yeux de gardes armés de gourdins. Le bateau porte l’inscription « Le bonheur du travail », qui rappelle le « Arbeit macht frei » de sinistre mémoire.
Cette reprise vaut surtout pour la présence dans la distribution vocale de Sergey Romanovsky, jeune ténor russe précédé d’une flatteuse réputation acquise à Pesaro ces deux derniers étés. La voix est puissante et souple à la fois, avec un timbre viril et des aigus lumineux, quand bien même les notes les plus élevées mettent le chanteur clairement en difficulté. Une perle qui, une fois polie, devrait rapidement briller de tout son éclat. En Leïla, Olga Kulchynska se montre d’abord extrêmement précautionneuse et peu à l’aise dans les vocalises, peut-être parce qu’elle arrive sur scène debout sur une balançoire descendant des cintres. Mais elle prend rapidement confiance en elle et déploie un timbre lumineux et raffiné. En Zurga, Brian Mulligan est une déception, avec son timbre nasal et son chant tout en force. Dans la fosse, Pavel Baleff offre une lecture efficace à défaut d’être inspirée. Mais la superbe musique de Bizet l’emporte sur toutes les réserves.
Claudio Poloni
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