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Rodelinda tronquée

Lyon
Opéra
12/15/2018 -  et 17*, 19, 21, 23, 26, 28 décembre 2018, 1er janvier 2019
Georg Friedrich Händel : Rodelinda, HWV 19
Sabina Puértolas (Rodelinda), Lawrence Zazzo (Bertarido), Krystian Adam (Grimoaldo), Avery Amereau (Eduige), Jean-Sébastien Bou (Garibaldo), Christopher Ainslie (Unulfo)
Orchestre de l’Opéra de Lyon, Stefano Montanari (direction)


S. Puértolas (© Jean-Pierre Maurin)


Quand ça ne veut pas, ça ne veut pas. Arrivé à 19 heures 45 – comme d’habitude – sur le parvis de l’Opéra de Lyon, nous n’y voyons personne, et nous apprenons que le spectacle avait inhabituellement commencé à 19 heures 30. C’est donc depuis le sixième balcon, assis à la place la plus extrême à gauche (et donc sans visibilité sur la scène) que nous avons assisté – pour sa première partie – à Rodelinda dans la mise en scène de Claus Guth. Nous avons donc patiemment attendu l’entracte pour découvrir l’imposant décor de Christian Schmidt qui – avions-nous lu – faisait tout le prix du spectacle (avec la direction d’acteurs au cordeau du metteur en scène allemand), mais las, rien de tout cela n’est finalement arrivé. Victime d’un accident pendant la pause, la mezzo américaine Avery Amereau doit être hospitalisée d’urgence, et après un entracte rallongé à près d’une heure, une voix nous annonce que le spectacle va tout de même reprendre... en simple version de concert! L’immense maison placée sur une tournette, qui devait ainsi nous montrer plusieurs aspects de celle-ci, restera finalement complètement fixe, et les mouvements des chanteurs-acteurs seront réduits à la portion congrue, en l’absence de leur collègue, grippant toute la mécanique du travail de Guth. Par bonheur, les parties vocale et instrumentale sont d’une telle qualité que le succès n’en est pas moins au rendez-vous, et le public lyonnais semble même redoubler de chaleur au moment des saluts.


Rodelinda date d’une des plus fécondes phases créatrices du Caro Sassone (1724/1725), qui vit également naître à bref intervalle Giulio Cesare et Tamerlano, et bénéficie d’une musique d’une invention, d’une richesse et d’une passion qui ne peuvent que soulever l’enthousiasme. La création de l’œuvre, au King’s Theater de Haymarket en 1725, affichait rien moins que la Cuzzoni et le célèbre castrat Senesino, respectivement en Rodelinda et Bertarido. Dans cette intrigue où brillent les vertus de l’amour conjugal, de la constance et du courage dans l’adversité, le personnage de Rodelinda doit tout exprimer: l’attente, la souffrance, l’espoir, le soulagement...


Dans le rôle-titre, c’est peu de dire que Sabina Puértolas se sent parfaitement à l’aise. Superbe actrice, la soprano espagnole campe une mémorable Rodelinda, son chant révélant, dans les moments de douceur, une rare intelligence de musicienne. Son registre aigu n’est pas en reste, et s’avère d’une beauté rare, emplissant tout le théâtre, comme dans l’admirable aria du I («Ombre, piante, urne funeste»). Non moins impressionnant, le contre-ténor américain Lawrence Zazzo (Bertarido) stupéfie l’auditoire par sa maîtrise technique, par son raffinement, par la dignité et la sincérité de ses accents. De son air d’entrée (le fameux «Dove sei») au tableau final, il semble se jouer des redoutables difficultés disséminées par Haendel (spectaculaire «Vivi, tiranno!») dans une partition destinée à mettre en valeur l’art et la virtuosité du chanteur le plus courtisé de son temps.


Le contre-ténor sud-africain Christopher Ainslie chante merveilleusement les trois airs d’Unulfo. Son «Fra tempeste», coulant et agréable, suivi de l’étonnant «Un zeffiro spiro», phrasé avec une sensibilité dynamique d’une grande précision, confirme l’art accompli du jeune chanteur. Conçu pour un ténor, le rôle de Grimoaldo est l’un des plus intéressants de l’ouvrage: d’abord tyran impitoyable, puis homme en proie au doute et aux remords. Le polonais Krystian Adam le campe de manière exceptionnelle, dotée qu’il est d’un timbre des plus flatteurs, et d’une voix aussi souple qu’expressive, faisant par ailleurs preuve d’une infatigable endurance dans son air de folie («Pastorello d’un povero armento pur dorme contento»). Le vrai méchant de l’histoire demeure cependant Garibaldo, confié ici au baryton français Jean-Sébastien Bou (inoubliable Claude Gueux sur cette même scène), qui crève l’écran grâce à son énergie scénique et sa robustesse vocale. Enfin, en pleine possession de ses moyens dans la première partie du spectacle, Avery Amereau offre un chant à la fois héroïque et élégant, et parvient même à rendre sympathique l’ambiguë Eduige...


Grand habitué de la fosse lyonnaise, le chef italien Stefano Montanari fait sonner l’Orchestre de l’Opéra de Lyon comme s’il s’agissait d’une formation spécialisée dans le baroque, et parvient à une réussite identique dans les passages lyriques et dramatiques, les instruments se projetant avec conviction, avec des cordes robustes, voire hargneuses.


Malgré ces nombreux aléas, nous n’avons pas boudé notre plaisir!



Emmanuel Andrieu

 

 

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