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Pour les voix Karlsruhe Badisches Staatstheater 12/16/2018 - et 20, 26 décembre 2018, 6, 19 janvier, 7 février, 9, 20 mars, 9, 26 avril, 8, 25 mai, 23 juin 2019Pour les voix Leos Janácek : Das schlaue Füchslein Andrew Finden/Armin Kolarczyk* (Förster), Jennifer Feinstein/Christina Niessen* (Die Frau Försterin, Eule), Cameron Becker/Klaus Schneider* (Mücke, Schulmeister), Konstantin Gorny*/Nathanaël Tavernier (Dachs, Pfarrer), Uliana Alexyuk*/Agnieszka Tomaszewska (Füchslein Schlaukopf), Dilara Bastar/Alexandra Kadurina* (Fuchs), Seung-Gi Jung*/Renatus Meszar (Harasta), Luise von Garnier (Lapak), Barıs Yavuz (Der Gastwirt Pasek), Tiny Peters (Die Gastwirtin, Hahn, Eichelhäher), Ilkin Alpay (Schopfhenne, Specht), Taavi Baumgart*/Julian Finckh (Pipek, Grille), Alma Unseld*/Magdalene Wetzel (Frosch), Katharina Bierweiler/Teresa Tampe* (Frantik, Grashüpfer), Lydia Spellenberg*/Elsa Tham (Das junge Füchslein)
Badischer Staatsopernchor, Ulrich Wagner (chef de chœur), Badische Staatskapelle, Justin Brown (direction)
Yuval Sharon (mise en scène), Ann Closs-Farley (costumes), Manuel Kolip (décors), Jason H. Thompson (lumières), Walter Robot Studios – Bill Barminski, Christopher Louie (animation), Boris Kehrmann (dramaturgie)
U. Alexyuk, K. Gorny (© Falk von Traubenberg)
A l’occasion de différents voyages dans les pays germaniques, on reste toujours surpris de découvrir des versions en langue allemande d’ouvrages désormais systématiquement donnés en langue originale en France. Ainsi de la nouvelle production de La Petite Renarde rusée (1924) présentée à Karlsruhe jusqu’en juin prochain dans la mise en scène de Yuval Sharon, créée à Cleveland en 2014 avec rien moins que Franz Welzer-Möst à la baguette. Disons-le tout net, le premier metteur en scène américain à avoir travaillé à Bayreuth (cet été dans Lohengrin) se contente d’une illustration premier degré, très peu convaincante sur la durée. Afin de proposer la toute première version interactive animée d’un ouvrage lyrique, Sharon choisit de s’adjoindre le Walter Robot Studios, un studio d’animation qui a reçu de nombreux prix depuis sa création en 2007.
Destiné à s’adapter à la scène réduite de Cleveland, un vaste écran en demi-cercle entoure l’orchestre sur scène: on retrouve logiquement la même proposition à Karlsruhe, où l’on a davantage l’impression d’assister à une mise en espace qu’à une véritable mise en scène, tant les idées de Sharon apparaissent pauvres. Les animaux-chanteurs en sont réduits à s’exprimer à travers de petites fenêtres qui s’ouvrent sur l’écran, ne laissant apparaître que leur visage en une sorte d’hommage involontaire à Beckett, tandis que les humains évoluent dans l’espace très restreint de la scène derrière l’orchestre – l’ensemble bénéficiant d’une animation qui se veut poétique, sans pour autant surprendre dans ses partis pris visuels assez simplistes, toujours fidèles au récit. Ne pouvait-on chercher une voie médiane afin d’aider à démêler les ressorts initiatiques de l’intrigue, les rapports de l’humain à la nature et aux espèces, tout autant que les allusions symboliques au cycle de la vie? On notera de surcroît une incapacité à faire ressortir les parties comiques de l’ouvrage, à l’instar de ce qu’avait su faire la subtile et délicieuse mise en scène de Louise Moatty en un spectacle présenté à travers toute la France en 2016 et 2017.
Fort heureusement, le plateau vocal réuni à Karlsruhe force l’admiration, et ce jusqu’aux moindres seconds rôles, tous idéalement distribués. On mentionnera notamment la Renarde incisive d’Uliana Alexyuk, aux phrasés agiles et aux aigus rayonnants – une merveille à chaque intervention. Outre un couple de chasseurs superlatifs, que dire aussi de la voix large parfaitement projeté de Konstantin Gorny (Révérend/Blaireau)? Le chœur d’enfants fait aussi forte impression, avec une articulation et une précision proches de la perfection, tandis que la direction du Generalmusikdirektor hésite en première partie dans l’entremêlement virtuose des mélodies, en une lecture trop analytique, aux tempi lents, avant de convaincre davantage ensuite dans le lyrisme souverain de la fin de l’ouvrage. Un spectacle en demi-teinte à savourer pour les voix.
Florent Coudeyrat
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