About us / Contact

The Classical Music Network

Toulouse

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

" Des Américains à Toulouse "

Toulouse
Halle aux Grains.
10/13/2001 -  et 14 octobre 2001
Etats-Unis.
Samuel Barber : Sérénade opus 1
Virgil Thomson : Cantabile pour Cordes
Quincy Porter : Music For Strings
Henry Cowell : Ballad, Ensemble, Exultation, Fiddler's Jig pour violon solo et orchestre à cordes
Charles Ives : Hymne, Largo et Cantabile
Erich-Wolfgang Korngold : Sérénade Symphonique opus 39

Amériques Centrale et du Sud, Canada.
Manuel-Maria Ponce : Estampas Nocturnas, suite symphonique pour orchestre à cordes
Samuel Dolin : Sérénade
Jean Coulthard : Sérénade
José Sérébrier : Elégie pour Cordes ~ Alberto Ginastera : Concerto pour Cordes

Orchestre de Chambre National de Toulouse, Alain Moglia (direction)


Si Christophe Colomb a sans conteste découvert l'Amérique ; Alain Moglia, lui, tel un Wanderer-aventurier du XXI° siècle, lance cette saison dans une grandiose et exaltante épopée de Géopolitique Musicale ; accostant avec bonheur divers continents et leurs patrimoines respectifs. Pour l'heure, embarquement immédiat vers ladite Amérique.

La première session offre un étonnant florilège de compositions américaines du XX° siècle, plus ou moins connues. Certes, Samuel Barber jouit pour sa part d'une relative popularité avec son célébrissime Adagio, et quelques mélodies inoubliables que distille avec grâce Leontyne Price. En l'occurrence, son opus 1, totalement maîtrisé, une sérénade crépusculaire aux accents funèbres, est un petit bijou d'écriture - comparable dans sa conception à la Suite dans le Style Ancien de Schnittke.

Première découverte de taille : Quincy Porter (1897-1966), ou un Bartok américain ! Sa sombre musique pour cordes s'apparente, avec ses rythmes brisés émaillés de subtiles dissonances, à une mélopée démantibulée, dans la ligne du faux Divertimento bartokien. Le troisième mouvement tente d'esquisser un malhabile pas de gigue et ce, dans une atmosphère de joie factice où plane une menace fantôme.

Deuxième découverte : la partition, elle aussi fantomatique, du sulfureux Henry Cowell (1897-1965), Ensemble. Comment ne pas être saisi par ce lyrisme déchiré à la tonalité sans cesse enfouie, défigurée - trait d'union entre le Huitième Quatuor de Chostakovitch et la Nuit Transfigurée de Schönberg Mais une nuit peuplée de cauchemars, et de leurs lots de créatures sordides. L'Orchestre de Chambre vit intensément cette introspection douloureuse d'un musicien incompris ; rejeté par une société puritaine, rigoriste et hypocrite, en raison d'une sexualité différente. D'ailleurs, du fait de sa " gaytude ", Henry Cowell a subi la triste condition carcérale, ce qui expliquerait - en partie du moins - le pessimisme résigné de cette esthétique inclassable. En revanche, dans Exultation, on ressent un certain apaisement ; sorte de gospel parfois proche de l'esprit d'un Percy Grainger. Idem pour Fiddler's Jig, morceau dans lequel Cowell fait montre de ses dons de coloriste inné.

Troisième surprise de la soirée, et pas le moindre : la Sérénade Symphonique de Korngold (1897-1957). Grâce au disque, ce très grand orchestrateur, roi du piano déjà tout gamin, n'est pas complètement occulté. A ce sujet, acquérir d'urgence - hélas par les voies du second marché - le superbe disque avec Anne-Sofie von Otter (DGG), " Rendez-vous with Korngold ", pour s'imprégner de son écriture. Mais en France hélas, tout comme Zemlinsky pour ne citer que lui, certains compositeurs passent purement et simplement à la trappe.

Autant dire que, les oreilles grandes ouvertes, le mélomane pratiquant le vagabondage musical a croqué avec délices ladite sérénade comme s'il s'agissait d'un fruit défendu. L'orchestre a brillé de mille feux dans le bondissant Intermezzo pizzicatique du deuxième mouvement ; quant au sophistiqué Lento religioso du troisième, moment d'anthologie, c'est quasiment de l'authentique Mahler. Le dernier Mahler, celui de la Dixième Symphonie, avec son Adagio enténébré. Le très redoutable papa de Korngold, Julius, critique musical, aurait été vite conquis, en écoutant l'ONCT, par la richesse instrumentale de l'oeuvre ; lui qui vilipendait son fils de compromettre son talent dans la musique de film !

Autre aspect des Amériques le lendemain - et de nouveau des musiciens " réhabilités " le temps d'un week-end exceptionnel. Le Mexicain Ponce (1882-1948) d'abord ; et ses estampes, ou paysages, nocturnes : partition à la fois impressionniste, et d'inspiration post-romantique. L'écriture est luxuriante, et abonde en trouvailles thématiques : ainsi la captivante romance tachetée de mélismes schönbergiens (encore lui !) de la Noche, ou la sensuelle et vaporeuse caresse de la berceuse élégiaque au deuxième tableau (très Busoni ?), propice à l'éveil du désir. A la délicatesse toute deliusienne de la troisième séquence répond un fantasque scherzo final, vif argent qui en dit long sur l'extraordinaire science orchestrale de cet élève doué de Paul Dukas.

Quant à l'Elégie (fantasmatique) pour Cordes de l'Uruguayen Sérébrier - d'ailleurs présent dans la salle - il est presque difficile de croire qu'elle a été composée par un adolescent de quatorze ans, tant elle est cérébrale, et d'une sécheresse harmonique avare de couleurs rutilantes ; contrairement à Ponce. L'Argentin Ginastera (1906-1983), auteur d'un fort intéressant Concerto pour Harpe, est la révélation du jour. Le fascinant Concerto pour Cordes est d'une complexité organique tout aussi fascinante : le premier mouvement est un virtuose exercice de haute voltige pour chacun des instruments. Solos furieux de violons, d'altos, de violoncelles, ainsi que celui - démentiel - de contrebasse, font assaut de violence primitive, volcanique. Ginastera réinvente un sérialisme sui generis ; le dernier mouvement n'offre aucun répit : musique démoniaque, orgasmique, qui se termine par une savante Bacchanale à couper le souffle.

Dans ce contexte, les musiciens canadiens plus anonymes, Samuel Dolin ou Jean Coulthard, ont quelques difficultés à s'imposer, face à la déferlante sud-américaine ! Quel fuoco di gioia !




Etienne Müller

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com