About us / Contact

The Classical Music Network

Baden-Baden

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Hommage dansé

Baden-Baden
Festspielhaus
10/06/2018 -  et 7 octobre 2018
Bernstein Dances
John Neumeier (chorégraphie et scénographie), Leonard Bernstein (musique)
Hamburg Ballett
Dorothea Baumann (soprano), Oedo Kuipers (baryton), Vadim Gluzman (violon), Sebastian Knauer (piano), Philharmonie Baden-Baden, Garrett Keast (direction) Giorgio Armani (costumes)


(© Kiran West)


En 1975, quand John Neumeier entreprit de chorégraphier la Troisième Symphonie de Mahler pour le ballet de Hambourg, il eut l'idée d'inviter Leonard Bernstein à diriger l’orchestre. Mis au courant de ce projet peu réaliste, un ami, directeur du département classique de la radio, lui répondit d’un air-pince-sans-rire : « Une chorégraphie de la Troisième Symphonie de Mahler ? Je me demande vraiment ce que Bernstein pourrait avoir contre. Après tout il les a déjà toutes dansées... ». Bernstein contacté, évidemment indisponible, prit quand même le temps d’en discuter avec Neumeier pendant 30 minutes au téléphone : « Mais pourquoi la Troisième, je ne comprends pas. Pourquoi ne faites vous pas la Septième ? C’est un ballet d’un bout à l’autre !». Entre les deux Américains ce fut là le tout début d’une amitié forcément sporadique mais fidèle et durable, que Neumeier concrétisera ensuite par de nombreux ballets (Songfest, The Age of Anxiety, Birthday Dances, Bernstein Serenade...), voire par une mise en scène complète de West Side Story à Hambourg en 1978.


Bernstein Dances, ballet créé en juin 1998, alors que le compositeur et chef d’orchestre américain n’était déjà plus de ce monde depuis huit ans, reflète un peu tout cela. Neumeier parle moins d’un argument dramatique ou biographique que d’une sorte de kaléidoscope d’émotions et de souvenirs divers. Selon ses propres termes Bernstein Dances (titre qui joue sur une ambiguïté : la traduction correcte paraissant bien « Bernstein danse » et non « Les Danses de Bernstein ») est surtout un portrait musical, voire une « revue », où s’agglomèrent de toutes pièces certains de ses ballets antérieurs. Difficile d’y identifier de vrais personnages, à l’exception du rôle principal qui paraît globalement une incarnation assez fidèle. En revanche les multiples silhouettes féminines autour sont moins individualisées : plutôt des faire-valoir, des catalyseurs, des rencontres inspirantes mais brèves, des étreintes qui se télescopent, se remplacent, fusionnent... Quant au personnage d’Eros masculin au torse nu qui ne quitte jamais bien longtemps le plateau, il entretient à l’arrière-plan une tension du désir que chacun pourra décoder comme il l’entend. La première partie, sur fond de photographies de New York en noir et blanc, décrit manifestement le début d’une carrière, avec le compositeur tantôt au piano, tantôt en pleine éruption créatrice, toujours son indispensable cigarette dans la main, jusqu’à un finale d’acte qui condense l’histoire de West Side Story, chorégraphiée avec beaucoup d’originalité et de liberté par rapport aux propositions initiales de Jerome Robbins. La seconde partie paraît plus étale et sibylline, avec pour pièce de résistance la Sérénade pour violon et orchestre, assortie de plusieurs Anniversaires joués au piano : une ambiance d’appartement new-yorkais chic où les couples se font et se défont, avant une résolution en forme d’apothéose, mais sur une discrète musique de piano seulement. A noter qu’au cours de la soirée l’Ouverture de Candide sera exécutée trois fois, dotée lors de son second passage d’une chorégraphie d’ensemble déjà jubilatoire et qui devient complètement irrésistible lors de son ultime récapitulation, au moment des applaudissements, enrichie de nombreux passages étourdissants de virtuosité.


Ce ballet Bernstein Dances avait déjà été représenté au Festspielhaus de Baden-Baden en 1998, peu après sa création hambourgeoise : une soirée dont on se souvient encore aujourd’hui avec émotion. Vingt ans plus tard, cette reprise, justifiée évidemment en cette année d’anniversaire Bernstein, conserve-t-elle le même impact ? Pas tout à fait. Les costumes de Giorgio Armani, qui à l’époque donnaient au projet une caution très « mode » et luxueuse, ont pris un certain coup de vieux, et même la chorégraphie de Neumeier, qui n’a pas été beaucoup revue, nous semble moins adaptée à une nouvelle équipe de jeunes danseurs qui n’a plus rien à voir avec les créateurs d’origine. En particulier le rôle principal, écrit sur mesure pour l’Américain Lloyd Riggins, ne convient qu’assez moyennement à Alexandr Trusch, merveilleux danseur mais trop fin et juvénile pour l’emploi. Et même les personnages féminins paraissent inégalement distribués, ou du moins à des tempéraments qui ne s’accordent pas forcément bien. Les tableaux d’ensemble, en revanche, conservent un potentiel totalement grisant.



(© Kiran West)


En 1998 c’est le défunt Orchestre du Südwestfunk de Baden-Baden et Fribourg qui jouait en fosse, remplacé aujourd’hui par la bien plus modeste Philharmonie de Baden-Baden, qui pour autant ne démérite pas, sous la direction du chef de ballet Garrett Keast. Au violon, dans la Sérénade, Vadim Gluzman est un soliste de luxe, de même que Sebastian Knauer, qui joue les Anniversaries sur scène au piano. Lors de la création, alors jeune pianiste, Knauer était déjà là, et il a tenu à retrouver cette place aujourd’hui, où il est d’ailleurs le seul membre de l’équipe initiale encore présent sur le plateau, alors que sa carrière a entre-temps pris largement son essor. Prestations plutôt idiomatiques aussi des chanteurs Dorothea Baumann et Oedo Kuipers, dans un « style Broadway » impeccablement cultivé.



Laurent Barthel

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com