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Un Steinway sur les nerfs

Strasbourg
Erstein (Musée Würth)
11/16/2018 -  
François Couperin : La Couperin – Les Rozeaux – Les Barricades mystérieuses – Les Ombres errantes – Le Tic-toc-choc, ou Les Maillotins
Claude Debussy : Préludes: «Danseuses de Delphes» – «La Puerta del Vino» – «"General Lavine" -eccentric-» – «Bruyères» – «La Cathédrale engloutie» – «Feux d’artifice»
Robert Schumann : Fantaisie en ut majeur, opus 17

Marie-Josèphe Jude (piano)


M.-J. Jude (© Benoît Linder)



Année Couperin oblige (nous venons tout juste de passer, le 10 novembre 2018, le 350e anniversaire de la naissance du plus célèbre membre de la famille, François Couperin dit « Couperin le Grand »), Marie-Josèphe Jude est allée butiner, suite à une suggestion du festival « Piano au Musée Würth », quelques pièces dans les différents Ordres des Livres de Pièces de Clavecin. L’idée d’interpréter ces courtes pages au piano n’est pas nouvelle, même si l’exercice pose de vraies difficultés, en particulier en matière d’exécution d'une riche ornementation sur un instrument beaucoup plus lourd que les clavecins français d’époque. Une expérience encore plus risquée que pour Bach voire Rameau, et où on n’est pas sûr que Marie-Josèphe Jude ait vraiment disposé du temps de préparation nécessaire. A fortiori dans des conditions aussi particulières que celles de l’auditorium du Musée Würth, où l’on entend très bien chaque détail et à un niveau sonore en général assez élevé. Difficile par exemple de trouver dans cette exécution des Rozeaux, la moindre trace du « Tendrement » annoté en début de partition. L’indication « Sans lenteur » est certes respectée, voire trop bien, mais le toucher paraît constamment d’une incisivité pénible. Quant aux nuances... la partition n’en indique aucune, mais il n’est pas interdit pour autant d’essayer d’en inventer, ni de respirer davantage. Ambiance heureusement un peu plus narrative pour les célèbres Barricades mystérieuses et pour Les Ombres errantes, même si là encore les jardins à la française paraissent parfois calcinés. Un énergique Tic-toc-choc conclut l’expérience : l'exercice digital y est franchement particulier, d'exécution malaisée sur un seul clavier, et ici la griserie de la virtuosité nous paraît primer excessivement sur la musicalité de l’approche. Peut-être pas une très bonne idée que cet hommage à Couperin trop hâtivement décidé...


La Fantaisie de Schumann placée en seconde partie appartient vraisemblablement davantage au bagage habituel de Marie-Josèphe Jude. Un massif assez redoutable, cela dit, où malgré sa sécurité technique la pianiste française ne paraît pas toujours en mesure de restituer, du moins à des auditeurs avides de comprendre, une lisibilité d’architecture suffisante. Les accords claquent, les flux d’énergie paraissent souvent fragmentés, et au lieu de certaines des phrases titanesques attendues on n’entend plus qu’une série de déflagrations assez perturbantes. Le début de la seconde partie et certes noté Mässig. Durchaus energisch, mais quand on joue sur un grand Steinway moderne, ne faudrait-il pas essayer de tempérer davantage ce genre d’indication explosive ? Curieuse conclusion de cette même seconde partie aussi, où un certain sentiment d’errance nous donne tout à coup davantage l’impression d’écouter l’un des Vingt Regards de Messiaen que du Schumann... Là encore l’adéquation de la pianiste à l’œuvre et au lieu ne semble pas optimale.


En milieu de programme il est plus facile de se repérer dans les Préludes de Debussy. Une «Cathédrale engloutie» aux gradations dynamiques impressionnantes, de fulgurants «Feux d’artifice», une «Puerta del Vino» brûlée de soleil, aux accords brutaux et serrés (mais là ce cante jondo sans aménité nous paraît pertinent), de plus rares «Bruyères» à l’étrangeté mélodique bien ciselée... Marie-Josèphe Jude nous semble mieux dans son élément, de même d’ailleurs que dans les deux premiers Intermezzi de l’Opus 118 de Brahms donnés en bis et enchaînés sans césure. Ambiance crépusculaire, d’un romantisme de bon aloi, par une pianiste paraissant plus détendue, prenant le temps de chanter davantage ses phrases... La tension nerveuse initiale du concert semble enfin évacuée !



Laurent Barthel

 

 

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