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Un Nabucco live

Dijon
Auditorium
11/15/2018 -  et 18, 21, 24 novembre 2018
Giuseppe Verdi: Nabucco
Nikoloz Lagvilava (Nabucco), Mary Elizabeth Williams (Abigaille), Serguey Artamonov (Zaccaria), Valentyn Dytiuk (Ismaele), Victoria Yarovaya (Fenena), Floria, Cafiero (Abdallo), Anne-Cécile Laurent (Anna), Alessandro Guerzoni (Gran Sacerdote)
Chœurs de l’Opéra de Lille et de l’Opéra de Dijon, Yves Parmentier, Anass Ismat (chefs des chœurs), Orchestre Dijon Bourgogne, Roberto Rizzi Brignoli (direction)
Marie-Eve Signeyrole (mise en scène, vidéo), Fabien Teigné (décors), Yashi (costumes), Philippe Berthomé (lumières), Baptise Klein (vidéo)


(© Frédéric Iovino)


Que reste-t-il de Nabucco si l’on évacue la perspective historique? A ce récit d’inspiration biblique, métaphore du peuple italien en lutte contre son oppresseur, la metteuse en scène française Marie-Eve Signeyrole substitue – à l’Opéra de Dijon (après Lille en juin dernier) – une intrigue contemporaine, dont le point d’ancrage est la crise au Moyen-Orient. Se succèdent ainsi d’omniprésentes images vidéo (sur plusieurs écrans), façon live sur CNN, montrant les horreurs de la guerre et leurs ravages parmi les civils, tandis que des propos d’Elias Sanbar, ambassadeur de Palestine à l’UNESCO, ponctuent tout le spectacle... et parasitent au passage le livret de Temistocle Solera. Si l’on peut discuter de la pertinence (voire de la facilité) de la transposition, reconnaissons le talent de Marie-Eve Signeyrole pour faire vivre le plateau (même si c’est souvent au détriment de la musique): son sens du théâtre est en effet assez spectaculaire, pour ne pas dire bluffant, à certains moments, et puis elle sait animer les grandes masses chorales comme personne...


Et par bonheur, la distribution vocale réunie par Laurent Joyeux dans la capitale bourguignonne rachète largement la déception suscitée par la mise en scène. On le sait, Nabucco n’est pas un ouvrage facile, car il exige de grandes voix, capables d’impressionner le public par l’insolence de l’émission. L’objectif est atteint au-delà de toute espérance ce soir, vocalement d’une part, mais aussi en termes de présence scénique, et en premier lieu grâce à l’Abigaille saisissante de Mary Elizabeth Williams: d’une rare sauvagerie dans le haut medium, la soprano afro-américaine confère ardeur et vigueur aux écarts de son air d’entrée au I, au récitatif et à la cabalette du II, et au grand duo avec Nabucco. Cette grande voix affronte l’aigu avec une telle énergie qu’il est cependant permis de s’interroger sur la longévité vocale de l’artiste.


Dans le rôle-titre, le baryton géorgien Nikoloz Lagvilava se révèle être aussi émouvant en tyran déchu qu’autoritaire en tyran assoiffé de pouvoir, disposant d’une voix timbrée et sonore, très riche en nuances dynamiques. En Ismaele, le jeune ténor ukrainien Valentyn Dytiuk (26 ans) suscite l’enthousiasme, avec son superbe timbre de lyrique léger (mais superbement projeté), qui lui permet d’affronter crânement l’écriture centrale et dramatique de son personnage. Surprenante également, la Fenena de la mezzo russe Victoria Yarovaya, qui allie beauté de timbre et maîtrise de la ligne, toujours au service d’une expression rigoureusement contrôlée. Enfin, son compatriote Serguey Artamonov offre, dans le rôle de Zaccaria, un timbre riche, un volume sonore conséquent et des graves profonds, les seconds rôles n’appelant aucun reproche, hormis le Grand-Prêtre de la basse italienne Alessandro Guerzoni, en visible méforme ce soir.


Placé à la tête d’un Orchestre Dijon Bourgogne dans une forme olympique, l’excellent Roberto Brizzi-Brignoli – dont on n’est pas près d’oublier le Simon Boccanegra en mars dernier ici-même – imprime à chacune des scènes une élan dramatique irrésistible, les musiciens réalisant ses intentions avec un enthousiasme communicatif et une grande efficacité. Le chef italien affectionne les tempi rapides et enlève les scènes de masse avec une fougue qui convient parfaitement à cette musique. Il sait, par ailleurs, ménager aux chanteurs ces plages de liberté tant appréciées, qui leur donnent toute latitude de laisser leur voix se développer amplement. Quant aux chœurs conjugués des Opéras de Dijon et de Lille, superbement préparés par Yves Parmentier et Anass Ismat, ils s’avèrent somptueux de cohésion et de musicalité, livrant un mémorable «Va pensiero» au III.



Emmanuel Andrieu

 

 

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