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La fête à Lenny

Baden-Baden
Festspielhaus
07/07/2018 -  
Leonard Bernstein: Airs et extraits symphoniques de Candide, On the Town, Fancy Free, Peter Pan et Trouble in TahitiDanses symphoniques de «West Side Story»
Kim Criswell (chant)
WDR Funkhausorchester, Wayne Marshall (direction)


K. Criswell, W. Marshall


Kim Criswell : un nom familier pour tous ceux qui collectionnaient naguère les albums EMI dirigés par le regretté John McGlinn, précieuse série de classiques du répertoire de Broadway, tous interprétés avec un scrupule véritablement musicologique par une équipe de jeunes talents soigneusement choisis. Kim Criswell y faisait alors découvrir une voix toujours typée, qui mélangeait en fonction des besoins une possible émission de véritable soprano lyrique avec une franche gouaille à la limite (mais toujours cantonnée soigneusement et très minutieusement à cette limite) du populaire et du jazzy. Un cocktail particulier, judicieusement explosif.


Aujourd’hui la dame, originaire de Chattanooga/Tennessee, s’est installée à Londres, et du haut de sa jeune soixantaine, elle est devenue une sorte d’institution. Difficile de distribuer un musical haut de gamme sans elle, difficile aussi de se passer de sa précieuse collaboration dès qu’un orchestre symphonique tente pour un soir l’expérience du cross-over. Juste avant cette petite tournée avec Wayne Marshall, Criswell vient de chanter un programme Bernstein similaire avec... le Concertgebouw d’Amsterdam ! L’onctueuse phalange hollandaise a dû bien s’amuser à se laisser entraîner au swing et à l’éclate en compagnie d’un coach aussi énergiquement drôle !


Car, et cela ne gâche rien, Criswell possède de vrais talents comiques et il suffit de lui mettre un micro en mains pour qu’elle vous réchauffe une salle en un clin d’œil. En anglais bien sûr, mais avec une sympathique efficacité (à l’adresse du public de Baden-Baden: «Je pense que vous préférez ne pas entendre mon allemand !»). Chaque extrait chanté est précédé d’un préambule où la diva – car c’en est bien une à sa manière, y compris par le physique et les allures – présente l’œuvre et décrit le contexte de l’action avec un humour ravageur. Le numéro paraît réglé au millimètre près, à l’américaine, et pourtant fonctionne avec une étonnante fraîcheur. Au cours de ce concert entièrement consacré, centenaire oblige, à Leonard Bernstein, on redécouvre ainsi le désopilant «I Can Cook Too» extrait d’On the Town, où il est question des talents culinaires particuliers d’une jeune et énergique créature, dont on comprend vite qu’elle vous parle certainement de choses beaucoup plus épicées que simplement faire la cuisine. Ou encore, absolu sommet de la soirée, «What a Movie», extrait du petit opéra Trouble in Tahiti : un petit bijou d’humour distancié qui reste assez difficile à faire passer à la scène alors qu’ici, certes avec les secours d’un micro, chaque réplique éclate avec la précision et la jubilation d’une fusée de feu d’artifice. N’oublions pas le jubilatoire «I’m Easily Assimilated» extrait de Candide, ou encore le touchant «Some Other Time» de Wonderful Town accordé en bis, merveilleux moment suspendu, teinté d’une suave mélancolie. Petit conseil, il faut absolument rechercher cette chanson sur la toile, par Eileen Farrell en duo avec Bernstein au piano : l’image est précaire mais c’est un joyau !


Les obligatoires intermèdes sans voix sont assurés par le WDR Funkhausorchester, l’une des seules formations radiophoniques allemandes encore en activité consacrées à ce qu’on appelait jadis la « musique légère ». Aujourd’hui une activité subtilement dispersée entre classiques d’un abord facile (Suppé, Offenbach, la dynastie Strauss, mais aussi, pourquoi pas, Schreker !), musiques de film, jazz orchestral, voire adaptations rock... Il est intéressant de jeter un petit coup d’œil au programme de saison de cette phalange très active : moyennant sans doute le travail de toute une équipe d’arrangeurs maison la diversité des projets y paraît tout à fait stimulante, et les talents du chef américain Wayne Marshall, actuellement directeur musical de la formation, doivent y être pertinemment employés. A l’écoute, les facultés d’adaptation des musiciens paraissent effectivement très affûtées, sous une baguette dont on connaît l’énergie et le sens très naturel du swing. Seule réserve : les Danses symphoniques de West Side Story ont quand même été réécrites par Bernstein pour une phalange... symphonique, justement, et ici l’effectif paraît parfois trop mince voire d’une charpente sonore incertaine. Mais grâce à l’élan formidable pris par la soirée, cette dernière partie bénéfice d’encore assez de souffle pour que la frustration reste limitée.



Laurent Barthel

 

 

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