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Opéra national du Rhin
09/18/2018 -  et 20, 22, 24, 26, 28 septembre (Strasbourg), 7, 9 octobre (Mulhouse) 2018
Gioachino Rossini : Il barbiere di Siviglia
Ioan Hotea (Le comte Almaviva), Marina Viotti (Rosina), Leon Košavić (Figaro), Carlo Lepore (Le docteur Bartolo), Leonardo Galeazzi (Basilio), Marta Bauzà (Berta), Igor Mostovoi (Fiorello) Chœur de l’Opéra national du Rhin, Orchestre symphonique de Mulhouse, Michele Gamba (direction)
Pierre-Emmanuel Rousseau (mise en scène, décors et costumes), Gilles Gentner (lumières)


(© Klara Beck)


Ce soir on s’évente beaucoup à l’Opéra du Rhin. Un dernier sursaut de l’été a bien réchauffé la salle, toujours pas climatisée, et le public gaspille beaucoup d’énergie à brasser l’air ambiant, hélas sans l’efficacité ni surtout la discrétion des Andalouses bon teint, expertes innées dans l’art de manier l’éventail sans déranger leurs voisins. A défaut de la concentration des grands soirs, ce début de saison offre au moins le charme encore estival d’un ouvrage ludique, en rupture totale avec les productions d’ouverture habituelles de l’Opéra national du Rhin, en principe beaucoup plus aventureuses. Mais comme nous le dit en souriant la directrice Eva Kleinitz, croisée dans les couloirs, «Restons encore un peu en vacances. Les histoires horribles (et en particulier la sanglante Beatrice Cenci de Ginastera), on vous les réserve pour plus tard!».


Production agréable, effectivement, à commencer par un vrai charme visuel. Une Espagne ocre rouge, baignée d’un soleil généreux, à laquelle de nombreux motifs de carreaux de céramique ajoutent de larges surfaces de fantaisie. Les costumes, d’un caractère ibérique relativement intemporel, jouent également la carte d’une élégance distanciée, avec quelques clins d’œil plus appuyés à certains tics vestimentaires actuels. Un moyen efficace pour rendre encore plus jeune et turbulent d’apparence le trio de rôles principaux, en total contraste avec les codes stricts et surannés de leur entourage. Pour sa mise en scène, Pierre-Emmanuel Rousseau se limite à creuser tout en finesse la psychologie de chaque rôle, en s’aidant au besoin de quelques accessoires bien choisis (excellente scène du dîner chez Bartolo, pendant l’air «A un dottor della mia sorte», avec pupille et tuteur face à face aux deux bouts d’une longue table, la pauvre Rosine, accablée de criailleries, jouant machinalement avec son couteau et se découvrant petit à petit des pulsions de future Tosca). Construction plutôt originale aussi pour le rôle de Figaro, tout jeune bad boy relativement marginal d’aspect, auprès duquel on doit pouvoir se procurer tout et n’importe quoi. Collectivement la direction d’acteurs paraît en revanche moins riche, les ensembles se limitant à une truculence parfois convenue. Le metteur en scène n’y actionne plus que de très gros rouages là où on apprécierait davantage de subtilité dans l’emboîtement des engrenages.


Musicalement aussi ces nombreux ensembles, qui sont le secret de la véritable griserie que peut susciter un Barbier de Séville pleinement réussi, restent un point perfectible. D’abord peut-être parce que la plupart des voix réunies, pourtant toutes d’un vrai brio rossinien, ne s’accordent pas bien ensemble, faute de timbres compatibles. Les répliques fusent et s’entrecroisent mais la chair musicale reste atone, pauvre en couleurs, parce qu’ici tous ou presque manquent de substance dans le medium. Le Figaro du baryton croate Leon Kosavić, par exemple, dispose d’une voix claire, élégante, avec quelques très belles notes dans le grave, mais qui s’émacie encore trop quand le chant doit devenir fiévreux et syllabique. Même carence pour le Bartolo de Carlo Lepore, en rien une voix ruinée comme le rôle peut parfois s’en accommoder, mais un curieux mélange de graves bien assis et de proférations comiques qui n’ont plus aucune projection, voire pour le Basilio de Leonardo Galeazzi, au demeurant excellent comédien, mais dont l’air de la calomnie manque d’impact directement ronflant : la tempête qui s’y déclenche reste virtuelle, pas assez physique. Quant à l’Almaviva de Ioan Hotea, qui possède toutes les caractéristiques du ténor rossinien, y compris celles devant lesquelles, personnellement, on renâcle toujours (une relative nasalité de l’émission et un timbre trop perçant), on peut difficilement affirmer que sa prestation nous charme vraiment. En fin de soirée la coupure de l’air «Cessa di più resistere» (de toute façon pertinente, tant ce tardif tour de chant paraît inutile à l’action) ne suscite aucun regret particulier. Dans un tel contexte la Rosina de Marina Viotti, jeune chanteuse déjà remarquée ici en juin dernier dans le rôle d’Olga d’Eugène Onéguine, n’a aucun mal à imposer sa différence : une voix beaucoup plus charpentée, homogène, timbre rond et chaud qui ne se délite jamais, y compris dans des passages de virtuosité imperturbablement musicaux voire désopilants. Pour une prise de rôle c’est mieux qu’une réussite : la révélation d’un talent de tout premier ordre.


Beaucoup de brio aussi en fosse, où Michele Gamba actionne avec un plaisir évident tous les ressorts et ficelles d'une partition génialement simple, tellement efficace quand on la laisse fonctionner ainsi, sans chercher ni à raidir ni à faire grincer ce qui doit couler de source. Un jeu auquel se prête avec gourmandise un Orchestre de Mulhouse sous le charme, toujours concentré et surtout jamais inutilement bruyant. De quoi bien nous souder un Barbier de qualité.



Laurent Barthel

 

 

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