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Mesure Gijón Teatro Jovellanos 08/21/2018 - Claude Debussy: Etudes: 11. «Pour les arpèges composés» – L’Isle joyeuse
Ludwig van Beethoven : Sonate pour piano n° 31 en la bémol majeur, opus 110
Wolfgang Amadeus Mozart : Sonate pour piano n° 18 en ré majeur «La Chasse», K. 576
Franz Liszt : Années de pèlerinage (Deuxième année. Italie), S. 161: 5. «Sonetto CIV del Petrarca» – Rhapsodie hongroise n° 12 en do dièse mineur, S. 244 n° 12 Eun Ae Lee (piano)
E.A. Lee (© Ralph Lauer/The Cliburn)
Il est toujours étonnant de constater qu’aux Asturies, les concerts d’été ne sont annoncés qu’au travers de la diffusion du seul nom des interprètes. Rien ne filtre sur les programmes, ne serait-ce que sur les compositeurs des pièces envisagées. Il faut vraiment de l’obstination pour les obtenir avant de s’y rendre (et Internet). L’esprit d’aventure et le goût de la découverte sont donc de rigueur. Dans ces conditions, on peut être à la fois surpris de l’importance de l’assistance à certains concerts et de la faiblesse de cette assistance au regard des prestations musicales proposées. Il en est ainsi, comme chaque année, des concerts organisés dans le cadre du festival international de piano «Jesús González Alonso» du nom d’un pianiste originaire de Gijón, un temps professeur à Vienne et mort il y a une trentaine d’années. Rappelons qu’il s’agit avant tout d’un cycle de formation de jeunes pianistes – soixante en 2018 – provenant du monde entier et qui se conclut par des récitals de ces jeunes d’une part et des artistes confirmés invités d’autre part. Le niveau des jeunes est assez remarquable comme on a pu à nouveau le constater lors du «Marathon» (10h00-22h00) traditionnel organisé à l’air libre en plein centre de la ville de Gijón, malgré des conditions tout à fait déplorables: piano médiocre, sonorisé, souffle du vent diffusé par les enceintes, passages à proximité de véhicules de nettoyage, etc. On a ainsi pu entendre, dans ce cadre vraiment peu favorable mais d’une certaine manière formateur, une jeune pianiste taïwanaise, Carina Hui, venant pour la troisième fois aux Asturies, et qui s’est prise de passion pour la musique espagnole. Elle interpréta des pages de Joaquín Turina de façon vraiment convaincante.
Parmi les concerts des enseignants, figurait celui d’Eun Ae Lee dans le théâtre de la ville, devant un public bien maigre alors que, de toute part, on réclame des événements culturels pour attirer et fixer les touristes, importante source d’emplois aux Asturies comme ailleurs en Espagne. Ceci devrait conduire les responsables de la politique de communication du festival et de la ville à changer de «braquet» à notre sens. Le dynamisme de la vie culturelle comme le respect dû aux musiciens passent certainement par là.
Quoi qu’il en soit, Eun Ae Lee, formée en Corée et aux Etats-Unis, habituée des concours et âgée de trente ans cette année, présentait un programme éclectique sans fil conducteur autre que celui consistant à montrer la palette de ses talents, jouant notamment tout de mémoire.
Elle débuta par la Onzième Etude (1915) puis L’Isle joyeuse (1904) de Claude Debussy (1862-1918), centenaire oblige. La technique était indéniablement là. La pianiste dominait sans problème les difficultés liées aux superpositions et croisement de mains. Elle évitait le vaporeux mais, pour le coup, le jeu parut bien dur, sans surprise et même d’une certaine sécheresse.
Dans la Trente et unième Sonate de Ludwig van Beethoven (1770-1827), la pianiste se révèle à nouveau une excellente technicienne, dotée d’une main gauche assez remarquable. Elle n’est sans doute pas une grande sculpteur de clavier. Son discours manque de fermeté mais c’est au profit d’un beau cantabile. Elle sait doser les plans sonores sans jamais rien noyer et les fugues finales sont parfaitement claires, même si elles ne nous emportent guère.
En seconde partie, on apprécie bien plus l’interprétation de la Dix-huitième Sonate (1789) de Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791). Jeu délicat, aisance, grâce sans tomber dans la mièvrerie étaient les mots qui venaient à l’esprit.
Dans le Sonnet CIV de Pétrarque (1849) de Franz Liszt (1811-1886), la sûreté des doigtés est évidente et le tout est mené sans excès tapageur, toujours avec mesure et sens musical. Eun Ae Lee conserve d’ailleurs les mêmes qualités dans son approche de la Douzième Rhapsodie hongroise du même Franz Liszt. Elle se garde de tout mauvais goût, trop souvent fréquent dans ces pages, et veille plutôt à faire chanter le piano, avec une toujours aussi belle main gauche...
Les rappels de la pianiste, toujours dans l’ombre au moment de ses saluts grâce à un éclairagiste somnolent, n’aboutirent à aucun bis mais démontraient qu’il était vraiment dommage que le public n’ait pas été plus nombreux.
Le site du Festival international de piano de Gijón
Le site d’Eun Ae Lee
Stéphane Guy
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