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Liszt et Beethoven épargnés par les eaux La Roque Parc du château de Florans 08/13/2018 - Franz Liszt : Totentanz – Concerto pour piano n° 1
Ludwig van Beethoven : Symphonies n° 5, opus 67, et n° 7, opus 92 Nelson Goerner (piano)
Sinfonia Varsovia, Lio Kuokman (direction)
N. Goerner, L. Kuokman (© Samuel Cortès)
Les «Nuits du piano» au parc du château de Florans demeurent un des temps forts de la programmation du Festival de La Roque-d’Anthéron: après la musique française et Beethoven, le dernier de ces concerts de grand format est consacré à Liszt, servi par Nelson Goerner (né en 1969), qui ouvre chacune des deux parties d’une soirée engagée sous un ciel menaçant, après les très gros orages du petit matin: de fait, quelques gouttes viendront semer l’inquiétude en milieu de première partie mais pour s’arrêter presque aussitôt, avec pour seule conséquence d’abréger quelque peu, par précaution, l’entracte conséquent (une heure) initialement prévu.
«Vous qui entrez, laissez toute espérance!»: l’avertissement de Dante à l’entrée de son Inferno vaut pour la Danse macabre (1849/1859). En effet, aucun espoir de faiblesse technique ou de concession esthétique de la part du pianiste argentin, qui ne mollit jamais dans cette interprétation menée à un train... d’enfer, où même les sonorités frustes du Sinfonia Varsovia s’accordent à ce cauchemar musical. Dans le Premier Concerto (1849), Goerner varie davantage les climats et l’expression – la partition y invite évidemment – mais il n’en conserve pas moins une rigueur et une exigence inaltérables, notamment dans la construction, souverainement maîtrisée. Vitalité, chant, tout y est – même le spectaculaire, mais sans esbroufe: il ne se départira à aucun moment d’une certaine distance, qui, dans deux bis très différents, se fait pudeur dans l’Andante de la Quinzième Sonate (1819) de Schubert, d’une pureté mozartienne, et ironie pince-sans-rire dans l’éblouissant «Caprice italien», troisième et dernière pièce de Napoli (1925) de Poulenc.
Chaque œuvre concertante de Liszt était suivie d’une symphonie de Beethoven. De précédentes expériences orchestrales à La Roque-d’Anthéron, notamment avec la formation polonaise, incitaient à un certain scepticisme. Toujours est-il que le Sinfonia Varsovia, s’il ne combat certes pas dans la même catégorie que les meilleurs phalanges du circuit, avec ses bois à la sonorité souvent bien exotique – la clarinette! – et à l’intonation troublante (mais un excellent basson), offre une prestation tout à fait convenable et à peu près en place. Faut-il en attribuer le mérite à Lio Kuokman (né en 1982), dont le principal fait d’armes jusqu’à présent semble être d’avoir exercé les fonctions d’assistant de Yannick Nézet-Séguin à Philadelphie entre 2014 et 2016? Le chef chinois (né à Macao), malgré quelques poses agaçantes, dirige indéniablement de manière convaincante, sans routine ni baisses de tension. Sans chercher midi à quatorze heures, le cahier des charges est respecté tant pour la Septième (1812) – rythmée, allant toujours de l’avant – que pour la Cinquième (1808) – «le Destin qui frappe à la porte», l’urgence et la grandeur. Sans se montrer nécessairement subtil ni toujours très à l’agréable à l’oreille, le résultat va à l’essentiel, sans contresens, et le tempo demeure toujours juste. Tout cela est d’une grande efficacité, puissant, parfois sans doute un peu appuyé mais jamais lourd, et l’orchestre, qui se plie parfois même à un travail sur la couleur, révèle en outre des cordes graves de qualité (deuxième mouvement de la Septième et Scherzo de la Cinquième). Pas grand-chose à reprocher non plus, en bis, à l’Ouverture des Noces de Figaro (1786) de Mozart, qui, sans pétiller frénétiquement, ne manque ni d’enthousiasme ni d’élan.
Le site de Lio Kuokman
Le site de Nelson Goerner
Le site du Sinfonia Varsovia
Simon Corley
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