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Beethoven face au modèle mozartien Prades Codalet (Abbaye Saint-Michel de Cuxà) 08/09/2018 - Ludwig van Beethoven : Octuor pour instruments à vent, opus 103 – Trio à cordes n° 5, opus 9 n° 3 [*] – Quintette à cordes, opus 29 [&] Jean-Louis Capezzali, Hamadi Ferjani (hautbois), Ralph Manno, Rosa Torres Serra (clarinette), André Cazalet, Pierre-Louis Dauenhauer (cor), Carlo Colombo, Aliocha Lorino (basson), Christian Altenburger [*] (violon), Nobuko Imai [&], Hartmut Rohde [*] (alto), Jérôme Pernoo [*] (violoncelle), Quatuor Artis [&]: Peter Schuhmayer, Johannes Meissl (violon), Herbert Kefer (alto), Othmar Müller (violoncelle)
Soixante-sixième édition pour le Festival Pablo Casals et cinquantième année sans son fondateur, qui s’y était produit pour la dernière fois en 1967. Le festival a survécu à son retrait, puis à son décès en 1973, et demeure une valeur sûre: depuis 1983, Michel Lethiec, directeur artistique, maintient fidèlement le cap, entre (beaucoup de) tradition et (un peu de) renouvellement. Placé cette année sous le thème «Un archet pour la Paix», le festival propose du 26 juillet au 13 août l’assortiment habituel de grandes soirées et de concerts dans la journée – en l’abbaye Saint-Michel de Cuxà, en l’église Saint-Pierre de Prades et dans les édifices romans ou touristiques des communes environnantes (et même au-delà, jusqu’à Céret, Elne, Perpignan, Saint-Guilhem-le-Désert, Thuir) – ainsi que d’activités diverses (cinq conférences, un «parcours découverte»).
Françoise Lethiec préside toujours aux destinées de l’Académie, qui, du 1er au 14 août, comprend des classes de maître et des cours de musique de chambre avec les artistes du festival, dont l’aboutissement réside dans neuf concerts à entrée libre dans la journée mais aussi désormais dans un concours public de hautbois, de cor et de violon destiné à sélectionner trois musiciens appelés à se produire un soir en compagnie de leurs aînés. Et, comme le précise le site, «des étudiants pourront être sollicités pour jouer auprès de leurs professeurs certaines œuvres des autres concerts du festival». C’est le cas en ce jeudi soir, où chacun des enseignants – Jean-Louis Capezzali, Ralph Manno, André Cazalet et Carlo Colombo – est flanqué d’un étudiant de l’Académie dans l’Octuor pour vents (1793) de Beethoven.
Pas de Festival Pablo Casals sans ces grandes soirées monographiques: celle-ci, intitulée «Ode à Beethoven», est consacrée à des œuvres peu jouées – l’effectif qu’elles requièrent est plus facile à réunir dans un tel festival – et, il faut bien le dire, de second plan – Michel Lethiec, dans son propos introductif à bâtons rompus, ne le dissimule nullement: de fait, c’est comme si, à chaque fois, Beethoven se confrontait – en vain – à Mozart.
Ainsi de cet Octuor, certes charmant et parfois même inventif (quelques tournures interrogatives dans l’Andante, un spirituel Menuetto), mai qui ne peut – nonobstant la qualité des souffleurs réunis pour l’occasion – prétendre rivaliser avec les plus belles pages mozartiennes pour ce type de formation instrumentale.
Ainsi de ce Cinquième Trio à cordes (1798), plus ambitieux, ne serait-ce que par les exigences d’écriture inhérentes à une telle formation. Contemporaine des six quatuors de l’Opus 18, elle n’atteint cependant pas leur niveau d’inspiration – même si, dans la même tonalité d’ut mineur, elle n’est pas sans parentés avec le Quatrième Quatuor – et reste évidemment en retrait de la référence mozartienne – l’immense Divertimento en mi bémol. Mihaela Martin ayant été victime d’un malaise dans l’après-midi (heureusement sans gravité, puisqu’elle a finalement pu venir assister au concert), Christian Altenburger prend sa place – la plus mise à contribution par la partition – aux côtés de Hartmut Rohde et Jérôme Pernoo, dans le Cinquième Trio et non pas le Troisième comme initialement prévu, ce qui explique sans doute quelques menus flottements ou problèmes d’intonation.
Ainsi du Quintette à deux altos (1801), certes une œuvre à part entière, contrairement à l’arrangement réalisé quelques années plus tôt par Beethoven lui-même de son Octuor pour vents, mais pour laquelle la partie était perdue d’avance face aux immenses quintettes composés par Mozart (sol mineur, ut majeur, mi bémol majeur). Impossible, cependant, d’en vouloir au Quatuor Artis, renfort de luxe de Nobuko Imai pour une partie de second alto pourtant bien modeste, car il paraît difficile d’en concevoir une interprétation plus fine, plus engagée, plus en place et plus stylée. Mais que tirer de cette musique de nouveau bien en retrait de l’Opus 18, avec ce curieux finale presque rossinien avant la lettre et ses quelques mesures, peu avant la conclusion, qui annoncent furtivement le duo entre Léonore et Rocco au début du second acte de Fidelio?
Le site du Festival Pablo Casals
Simon Corley
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