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A la bonne franquette Bruniquel Châteaux 07/26/2018 - et 27, 28, 29 juillet, 1er, 2, 3, 4*, 5 août 2018 Jacques Offenbach : Geneviève de Brabant Aude Fabre (Drogan), Christophe Crapez (Sifroy), Géraldine Casey (Geneviève), Julia Jérosme (Brigitte), Michel Vaissière (Charles Martel), Till Fechner (Grabuge), Dominique Desmons (Pitou), Frank T’Hézan (Vanderprout), Xavier Mauconduit (Peterpipp), Maxime Cohen (Golo), Thibaut T’Hézan (Narcisse), Jeanne-Marie Lévy (Christine, Bradamante), Emmanuelle Zoldan (Gudule, Rosemonde), Aurélie Fargues (Dorothée, Armide), Emmanuelle Mercier (Gretchen, Dulcinée), Solène Grillat (L’ermite du ravin)
Ensemble orchestral du Festival des châteaux: Anne-Lise Teruel, Daniel Putrino (flûte), Nicola Tapella (hautbois), Guillaume Teruel, Flavio Lodi (clarinette), Yannick Fromentin (basson), Irène Masullo (cor), Orphée Rebeyrol, Laurent Bernardi (cornet), Jérôme Lezian (trombone), Jean-Baptiste van de Wiele (violon), Umberto Salvi (contrebasse), Yoshiko Moriai (piano), Jean-Christophe Keck (direction musicale)
Frank T’Hézan (adaptation et mise en scène), Thibaut et César T’Hézan (assistants à la mise en scène), Guillaume Attwood (costumes), Véronique Willig, Marie-Pierre Girard (chorégraphies), Richard Ascargorta (éclairages)
Pour sa vingt-deuxième édition, le Festival des châteaux de Bruniquel propose un «concert récréatif» à Montauban, un «apéroconcert» à Caussade, un concert d’ouverture gratuit ainsi que des stages de chant ou de costumes/maquillage/coiffure, mais c’est évidemment, comme chaque année, la production d’une œuvre d’Offenbach qui est au cœur de la manifestation: du 26 juillet au 5 août, neuf représentations de Geneviève de Brabant (1859/1867/1875) se succèdent en plein air dans les décors naturels des châteaux (XIIe et XVIIe) dominant les vallées de l’Aveyron et de la Vère, aux confins du Tarn-et-Garonne et du Tarn.
Alors que le soleil se couche sur une journée écrasante de chaleur, le public, après avoir acheté un billet de tombola (à gagner: la collection complète des archives vidéo du festival), patiente sur les gradins, barquette de frites ou gobelet de bière à la main: bref, un esprit bon enfant et familial qui réunit tous les publics autour d’une entreprise non moins familiale, celle des T’Hézan, avec, depuis toujours, Claude (par ailleurs président de l’association et vidéaste de service) et Noëlle à l’administration, Frank à la direction artistique et, maintenant, Thibaut et César en assistants à la mise en scène. Un spectacle où, au-delà de la famille, chacun, toutes générations confondues, met la main à la pâte, des costumes à la scénographie, à l’image du maire, Michel Montet, président d’honneur de la Compagnie de la Tour Brunehaut, qui prête lui-même assistance à la régie: au moment des saluts, Frank T’Hézan s’attache à n’oublier aucun de ceux qui participent à l’entreprise, et dont le nom est scrupuleusement mentionné dans le programme – ce n’est que justice, car comme tous les festivals, celui-ci ne vit que grâce à l’engagement de toutes les bonnes volontés.
Cet esprit collectif fait merveille sur un plateau aux moyens techniques limités par les contraintes du lieu, dont on s’efforce néanmoins de tirer profit au maximum: cela tombe bien, les tours et murailles sont parfaitement en situation pour cette intrigue pseudo-moyenâgeuse et, pour le reste, un praticable trapézoïdal qui, tourné, en tout sens, servira tour à tour de trône, de lit, de table, de tréteau, de balcon ou de terrasse dominant un précipice, suffit à faire l’affaire. L’accent est en revanche mis sur une profusion de costumes et coiffes, avec de nombreux choristes ou figurants, parfois très jeunes mais non moins impliqués.
(© Patric Petit)
Donné ici dans sa version en trois actes de 1867, l’opéra bouffe comporte son lot habituel de numéros irrésistibles, tels les couplets de la poule, les couplets du thé ou le quatuor de chasse. L’adaptation – avec anachronismes et clins d’œil d’usage à l’actualité – et la mise en scène de Frank T’Hézan s’accommodent d’un livret assez faible et paresseux: plutôt que de mettre en valeur la charge politique et sociale, particulièrement caustique à l’égard des autorités et des pouvoirs comme souvent chez Offenbach, la farce et la gaudriole, au besoin scatologique, sont privilégiées, pour la plus grande joie des spectateurs, ravis et complices jusqu’à applaudir les machinistes lors des changements de plateau.
Les caractères sont bien campés et servis par des chanteurs rompus à ce répertoire, à commencer par le toujours formidable Christophe Crapez en duc Sifroy, mais sans oublier Till Fechner en gendarme Grabuge, Xavier Mauconduit en échevin Peterpipp, et, bien sûr, Frank T’Hézan lui-même en bourgmestre Vanderprout. Aude Fabre vient à bout avec beaucoup de verve et de sensibilité du difficile rôle (travesti) de Drogan, Maxime Cohen incarne avec un plaisir non dissimulé le méchant et sardonique Golo et Julia Jérosme confère à Brigitte un cocasse accent germanique. Réduit à treize musiciens à la sonorité un peu aigre, l’orchestre est toutefois confié à l’expert ès-Offenbach, Jean-Christophe Keck. Alors, peu importe si la sonorisation a ses défauts et si les papillons de nuit attirés par les projecteurs passent à l’attaque, chacun a passé une bonne soirée.
Et encore, celle-ci est loin d’être terminée, puisqu’à plus de minuit et demi, d’immenses «tables d’hôtes» rassemblent artistes et public autour d’un repas complet, lui aussi à la bonne franquette. Sitôt les agapes terminées, les chanteurs et les musiciens montent sur une estrade pour prolonger ce moment, jusque vers 3 heures du matin, à la grande satisfaction des convives. Sans surprise, l’opéra (Don Giovanni, Les Contes d’Hoffmann) et surtout l’opérette (Tromb-Al-Ca-Zar, La Veuve joyeuse, Les Saltimbanques, Là-Haut) sont à l’honneur, mais la nuit dérape progressivement: les musiciens adaptent George Michael et Sarà perché ti amo, Christophe Crapez contrepointe en grommelant Sur un prélude de Bach (l’un des tubes de feue Maurane) puis, sous l’apparence d’une mélodie fauréenne, chante les paroles... d’Alexandrie, Alexandra. On passera – par charité, comme il se doit – sur l’intervention pleine de sous-entendus des grenouilles de bénitier de l’improbable groupe vocal «Pinsons et lumières», mais l’arrivée de Dominique Desmons, impayable gendarme Pitou dans Geneviève de Brabant, pour un petit tour de chansons «exotiques», fait chavirer la cour du château dans la gauloiserie la plus délicieuse. Conclusion toute d’émotion, cependant, tous reprenant le traditionnel Se canto.
Le site du Festival des châteaux de Bruniquel
Simon Corley
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