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Malgré Saint-Denis, les Gurrelieder

Paris
Saint-Denis (Basilique)
06/26/2018 -  et 28 juin 2018 (London)
Arnold Schoenberg : Gurrelieder
Robert Dean Smith (Waldemar), Camilla Tilling (Tove), Michelle DeYoung (Waldtaube), David Soar (Bauer), Wolfgang Ablinger-Sperrhacke (Klaus-Narr), Barbara Sukowa (récitante)
Philharmonia Voices, Choirs of the Royal Academy of Music, Royal College of Music, Guildhall School of Music & Drama and Trinity Laban Conservatoire of Music & Dance, Philharmonia Orchestra, Esa-Pekka Salonen (direction)


E.-P. Salonen (© Aline Paley)


On s’est souvent juré de ne plus y retourner, sachant combien l’acoustique peut gâcher le plaisir. Mais quand les œuvres sont rares, comment résister ? Bref, aller à Saint-Denis est toujours un dilemme. Les Gurrelieder viennent de le confirmer.


Certes la grandeur de la basilique convient au gigantisme du monument post-wagnérien créé en 1913 par Franz Schreker, histoire d’amour et de mort, d’adultère et de châtiment – la reine fait assassiner Tove, Waldemar devient fou de douleur, maudit Dieu et erre éternellement avec ses vassaux après sa mort. Ca impressionne. Mais l’orchestre se trouve trop souvent noyé, comme le chœur, fatalement relégué tout au fond. Tout cela frustre beaucoup.


Dommage. Esa Pekka-Salonen dirige en magicien du son et en chef de théâtre, oscillant avec maestria entre les irisations impressionnistes, les grands élans lyriques et, pour la Chasse sauvage de la dernière partie, les explosions de violence primitive – rien d’étonnant de la part de celui qui se montre aussi mémorable dans Tristan que dans Le Sacre et auquel l’œuvre semble destinée. Ainsi s’en trouvent assumées les différentes dimensions : les Gurrelieder relèvent à la fois du cycle de lieder, de la cantate et de l’opéra. Mais il vaut mieux, pour apprécier l’équilibre entre clarté analytique, sensualité capiteuse et urgence dramatique, se remémorer tel ou tel concert (à Pleyel, par exemple, où chantaient d’ailleurs certains solistes de l’affiche de Saint-Denis) ou revenir au live édité par Signum.


Déjà soumis à rude épreuve par Schoenberg, les solistes, parfois, peinent évidemment à passer – à commencer par le Paysan de David Soar, fort belle voix au demeurant. Camilla Tilling, de toute façon, n’est pas un soprano dramatique. Mais elle remplace Alwyn Mellor au pied levé et auréole Tove d’une lumière fragile, plus Eva qu’Isolde, séduisant par la beauté délicate du phrasé. L’endurant Robert Dean Smith phrase aussi, là où beaucoup s’époumonent, certes un peu juste dans une troisième partie exigeant plus d’héroïsme, mais il prolonge pertinemment Tristan à travers Waldemar – si familier de sa partie qu’il chante sans partition. Michelle De Young est une heureuse surprise par le déploiement ému et stylé de son généreux mezzo dans le lied du Ramier, avec des registres soudés. On se doutait que Wolfgang Ablinger-Sperrhacke, formidable, ferait du Bouffon un avatar de Mime, alors que le Récitant est ici une actrice, qui nous conduit ainsi aux portes du Pierrot lunaire.


Le chœur ? Difficile, encore une fois, d’en parler dans de telles conditions. Le lever de soleil final, en tout cas, ne produit plus aucun effet. Les Gurrelieder à Saint-Denis ? Malgré Saint-Denis, plutôt.



Didier van Moere

 

 

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