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Soirée à facettes Paris Palais Garnier 05/19/2018 - et 22, 23, 24, 25, 26*, 30 mai, 2, 3, 7, 8 juin 2018
Frôlons (création) James Thierrée (chorégraphie, musique, scénographie, costumes)
Cécile Giovansili Vessière (lumières)
The Art of Not Looking Back
Hofesh Shechter (chorégraphie, musique), John Zorn, Johann Sebastian Bach, Nitin Sawhney (musique)
Becs Andrews (costumes), Lee Curran (lumières)
The Male Dancer (création)
Iván Pérez (chorégraphie), Arvo Pärt (musique)
Alejandro Gómez Palomo (costumes), Tania Rühl (scénographie, lumières)
The Seasons’ Canon
Crystal Pite (chorégraphie), Antonio Vivaldi/Max Richter (musique)
Jay Gower Taylor (décors), Nancy Bryant (costumes)
Ballet de l’Opéra national de Paris
Frôlons (© Agathe Poupeney/Opéra national de Paris)
Le Ballet de l’Opéra national de Paris (BOP) offre en cette fin de saison un bel ensemble de chorégraphies signé par quatre artistes contemporains extrêmement différents. A ses détracteurs qui, dans la polémique actuelle touchant la direction du BOP et reprochant à Aurélie Dupont de ne faire danser qu’un nombre restreint de danseurs, la directrice de la danse offre avec ce nouveau spectacle une réponse radicale et convaincante. Il convoque sur scène cent vingt-huit danseurs, soit plus des trois quarts de la compagnie! Et pour quatre pièces contemporaines d’une indiscutable qualité et parfaitement interprétées.
Pour ouvrir la soirée, on reprend une idée payante du précédent directeur, Benjamin Millepied, qui avait donné l’an dernier, pour l’ouverture de son unique saison, carte blanche à Boris Charmatz pour créer une animation chorégraphique dans les parties communes du théâtre. Cette fois c’est à James Thierrée qu’a été confiée cette mission. L’artiste suisse aux multiples facettes a créé toutes les composantes de Frôlons et sa plus grande réussite est les costumes dorés, d’une fantaisie débridée de ces insectes géants qui rampent dans le palais d’ors et de marbre parmi les quelque deux mille spectateurs qui sont invités à y déambuler. Certains sont de véritables monstres à tête de candélabre très certainement inspirés de La Bête de Cocteau. D’autres, de gros lézards qui se promènent parmi des spectateurs médusés ayant hélas! plus souci de les photographier que de les observer. James Thierrée et quelques assistants armés de lampes torches démesurées règlent ce ballet chaotique mêlant musique de Thierrée, bruitages, chant interprété par Ophélie Crispin et la voix parlée de Charlotte Rampling. Un insecte déployant dans les airs une magnifique voilure vert mordoré attend tous les participants sur scène pour un finale qui s’est un peu trop fait attendre mais les cinquante longues minutes ont certainement permis à toute une fraction du public de parcourir celui-ci avec un œil différent que lors de la rituelle coupe de champagne à l’entracte et de frôler la soixantaine de danseurs rendus anonymes dans leur déambulation.
The Art of Not Looking Back (© Agathe Poupeney/Opéra national de Paris)
Les trois chorégraphies de trente minutes qui suivaient offraient un panorama assez chic de la danse contemporaine mondiale. Il s’ouvrait par The Art of Not Looking Back de l’Israélien Hofesh Shechter (créé pour sa compagnie au Festival de Brighton 2009), chorégraphe réputé pour agresser tous les sens. Les protège-oreilles fournis étaient pour cette pièce inutiles car la musique signée Hofesh Shechter et John Zorn mixée avec des concertos pour violon de Bach n’est pas très flatteuse pour les oreilles mais moins dérangeante que les violents éclairages. La chorégraphie réglée pour neuf danseuses est d’une grande fluidité dans sa brutalité, jouant des asymétries et parfaitement en phase avec la musique. Il n’est pas certains que les danseuses du BOP soient très aguerries à cette technique et que ce type de danse leur convienne mais elles s’en tiraient avec les honneurs.
The Male Dancer (© Agathe Poupeney/Opéra national de Paris)
La qualité de la musique (enregistrée) n’était pas le fil rouge de la soirée, car celle pseudo-médiévale du Stabat Mater d’Arvo Pärt, qui servait de substrat à The Male Dancer, création pour le BOP du jeune Espagnol Iván Pérez, est si lénifiante que la chorégraphie, qui y utilise un vocabulaire un peu trop convenu dans une pièce évoquant un bal costumé fantomatique, a paru à durée égale bien plus longue que celle de Shechter. Les costumes du designer espagnol Alejandro Gómez Palomo étaient peut-être un peu trop maniérés et démodés pour ce groupe de dix danseurs choisis parmi les meilleurs éléments de la nouvelle génération du BOP. Dans cette distribution, le solo était magnifiquement interprété par le danseur étoile Mathieu Ganio.
The Seasons’ Canon (© Agathe Poupeney/Opéra national de Paris)
Mais c’est le final, la reprise de The Seasons’ Canon de Crystal Pite (création pour le BOP 2016) qui a remporté à l’applaudimètre avec ovation debout. Sur un arrangement criminel des Quatre Saisons de Vivaldi signé Max Richter, la chorégraphe canadienne, qui reviendra au BOP en 2019, a réglé de spectaculaires images de groupe comme des sculptures mouvantes bien plus intéressantes que les petits ensembles formant le liant de cette belle pièce, qui offrait un beau solo à la danseuse étoile Marie-Agnès Gillot et faisait briller comme tout au long de la soirée les danseurs de cette belle compagnie.
Olivier Brunel
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