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L’OSR, rien que l’OSR mais tout l’OSR Geneva Victoria Hall 05/24/2018 - et 25 mai 2018 (Lausanne) Gustav Mahler: Symphonie n° 3 Mihoko Fujimura (mezzo-soprano)
Ensemble vocal de Lausanne, Maîtrise du Conservatoire populaire de Musique, Danse et Théâtre de Genève, Orchestre de la Suisse Romande, Jonathan Nott (direction)
Voici une soirée avec de bons moments mais un peu frustrante, et surtout qui résume bien atouts, faiblesses et défis de l’Orchestre de la Suisse Romande.
C’est avec la Septième Symphonie de Gustav Mahler qu’a eu lieu la première rencontre entre l’OSR et le celui qui allait devenir son directeur musical. Le chef anglais avait découvert son orchestre en le dirigeant dans une œuvre qu’il a peu jouée. Ceci avait permis d’esquisser les bases d’une nouvelle direction artistique, choix qui, depuis sa prise de fonctions ont été confirmés : recherche d’un son plus riche et des lignes plus legato et approfondissement du répertoire germanique.
Il a été possible ainsi d’entendre de belles pages de Schubert et de redécouvrir la musique orchestrale de Schoenberg. Nous avons également pu apprécier comment l’esprit des œuvres et leur caractérisation étaient approfondis. Mais en même temps, il n’est pas simple de transformer sonorités et pratiques d’un orchestre aussi à son aise dans la musique française vers de nouveaux horizons. Certaines exécutions ont été parfois lourdes et les musiciens ont souvent donné l’impression de bien démarrer mais de ne pouvoir rester sur les mêmes niveaux, de se fatiguer un peu trop vite. Enfin, Victoria Hall reste une salle sympathique mais étroite et peu adaptée à des œuvres demandant des effectifs importants, ce qui reste un réel frein aux progrès de l’orchestre. Il bénéficiera d’une nouvelles Cité de la musique en 2022. D’ici là, les limites de l’acoustique de Victoria Hall brident les musiciens dans le développement d’un son cohérent et de réflexes communs.
Dans cette optique, l’immense Troisième Symphonie de Mahler avec sa taille et ses ambitions est une pièce particulièrement redoutable pour les musiciens. En mahlérien aguerri, Jonathan Nott sait trouver l’esprit des différents mouvements de cette grande fresque. Les polyphonies du premier mouvement sont dionysiaques et bénéficient de la qualité de la mise en place. Les multiples fanfares ne sont pas sans anticiper le modernisme d’un Ives. L’intervention de Mihoko Fujimura est un moment de qualité tout en gravité et profondeur.
Mais les musiciens ne sont pas toujours sereins. Les cuivres, y compris le solo de trombone, ne sont pas toujours assurés. Dans le troisième mouvement, le cor de postillon souffre de trop nombreuses approximations et les musiciens sont justes « crevés ». De même, ce n’était pas une mauvaise idée en théorie de placer les cloches du cinquième mouvement en coulisse du dernier étage mais la coordination des entrées et les équilibres instrumentaux sont simplement impossibles à réaliser. Une conséquence est que les chœurs sont couverts et peu audibles. Comment se fait-il que ce choix n’ait pas été remis en cause durant les répétitions ?
Les musiciens retrouvent cependant un autre niveau dans le sublime dernier mouvement. La longueur des premières lignes aux cordes ré-établit le climat un peu perturbé au mouvement précédent. Le mouvement avance avec soin et sans exagération. Jonathan Nott tourne le dos à une certaine tradition et respecte l’indication donnée par le compositeur de finir sur un simple mais clair forte. A nouveau, dans ce mouvement comme dans l’ensemble de la symphonie, l’esprit de la partition est juste.
Un orchestre aux ambitions de l’OSR se doit de jouer de telles œuvres. Il en a le potentiel mais il y a encore du chemin à faire et la question que l’on se pose est de savoir comment avancer avant que l’orchestre ait sa nouvelle salle ?
Antoine Lévy-Leboyer
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