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Un metteur en scène nommé William Christie

Paris
Philharmonie
05/16/2018 -  et 13 (Oviedo), 14 (Barcelona) mai, 15 (Saint-Jean-d’Acre), 19 (Montbard) juillet, 15 novembre (New York) 2018
Joseph Haydn : Die Schöpfung, Hob. XXI:2
Sandrine Piau (soprano), Hugo Hymas (ténor), Alex Rosen (baryton)
Les Arts Florissants, William Christie (direction)


W. Christie (© Michel Szabo)


William Christie n’est pas l’interprète auquel on associe spontanément Joseph Haydn (1732-1809), les symphonies et œuvres chorales du compositeur allemand ne figurant guère dans les programmations du chef. Et pourtant, que cette musique lui convient bien, en tout cas pour ce qui est de ce superbe oratorio qu’est La Création (1796-1798)! Car on est ressorti de ce concert avec le sentiment d’avoir été vivifié par une interprétation dont le mot d’ordre fut sans conteste le théâtre.


Chef d’opéra, William Christie a prouvé depuis longtemps combien il savait l’être; et c’est bien cette dimension qui nous aura frappé tout au long de la soirée. Dès le «Chaos» introductif, les accents sont francs, les silences lourds et longs, la noirceur pleine et entière: on y est! Point n’est besoin de fermer les yeux pour imaginer les scènes qui, au fil de l’oratorio, vont dessiner le déchaînement des éléments (des bourrasques de vent aux flocons de neige en passant par l’apparition radieuse du soleil), la création des végétaux (des arbres aux fleurs sans oublier les champs fertiles) et des animaux (à plumes, à poils et à écailles), et finalement conduire à la création de l’Homme: Christie adopte à chaque instant le ton juste, les subtilités d’un excellent orchestre des Arts Florissants illustrant, mimant même parfois, parfaitement les éléments et les climats requis. Les cordes impétueuses illustrent ainsi avec force les flots dans le très bel air «Rollend in schäumenden Wellen» tandis que les tutti glorifient magnifiquement le Seigneur, auteur de cette création multiforme aussi bien que multicolore («Stimmt an die Saiten, ergreift die Leier»). La petite harmonie est splendide; signalons entre autres les excellents Lorenzo Coppola à la clarinette, dans l’accompagnement de l’air de Gabriel «Nun beut die Flur das frische Grün», et Olivier Riehl, dont la flûte enivrante fut souvent mise à contribution. D’une gestique parfois démonstrative (les élans des jambes, permettant de mettre en évidence ses immuables chaussettes rouges...), parfois au contraire imperceptible, William Christie s’avère plus que jamais le maître d’œuvre d’un ensemble aux qualités superlatives.


Ensemble car, bien entendu, dans un oratorio, l’orchestre compte mais que serait-il sans un chœur à la hauteur? Or, avec Les Arts Florissants, autant dire que nous avons là ce qui se fait de mieux pour ce type de répertoire. Son entrée «Und der Geist Gottes» fut à elle seule une sorte de petit miracle tant elle se fondit dans le pianissimo orchestral qui les précédait! D’une justesse exemplaire (tant au sens premier du mot qu’au sens figuré), il contribua grandement à l’excellence du concert: quelle conclusion de la deuxième partie par exemple! Côté solistes, saluons en premier lieu Alex Rosen. La jeune basse américaine (née à La Canada, en Californie) impressionne par la longueur du souffle, la subtilité de l’interprétation, la clarté de la diction et, tout bonnement, la beauté de la voix, dont la projection fut impeccable à chacune de ses interventions. Excellent récitant, il impressionna en plus d’une occasion par l’adéquation parfaite entre les accents du chant et le contenu des paroles, notamment dans l’air «Rollend in schäumenden Wellen» et dans la partie chantée «Seid fruchtbar alle», où l’on sentait l’ampleur de sa voix gagner l’orchestre tout entier. Ayant déjà participé à La Création, notamment sous la baguette de Paul McCreesh (voir ici), Sandrine Piau fut fidèle à elle-même: une excellente diction là aussi et une technique qui n’a plus grand-chose à prouver. Regrettons seulement qu’en quelques occasions, elle ait manqué de volume au point d’être un peu couverte par l’orchestre (vers la fin du sublime air «Mit Staunen sieht das Wunderwerk»); pour autant, ce ne sont là que de menus reproches dans une interprétation toujours élégante qui culminait dans le duo entre Eve et Adam au début de la troisième partie («Von deiner Güt’, o Herr und Gott»). Légèrement en deçà de ses partenaires, le ténor Hugo Hymas offrit à nos yeux une interprétation honnête mais qui manquait de galbe et de chaleur. Dès le premier air dévolu à Uriel, la voix s’avère presque étriquée, à tout le moins un rien voilée et trop sur la réserve. L’assurance venant au fil de l’œuvre, il trouva finalement davantage ses marques (un excellent air «Mit Würd’ und Hoheit angetan» dans la deuxième partie) et participa pleinement à la réussite de certains trios comme le très mozartien «In holder Anmut stehn».


Le public, qui remplissait totalement la salle Pierre Boulez pour cet unique concert, réserva une ovation des plus chaleureuses à une équipe qui nous aura véritablement fait vibrer: aucun doute, la ferveur était, ce soir, bel et bien à la Philharmonie de Paris.


Le site des Arts Florissants
Le site de Hugo Hymas



Sébastien Gauthier

 

 

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