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Au milieu du gué Paris Salle Pleyel 10/03/2001 - et 4* octobre 2001
Wolfgang Amadeus Mozart : Les Petits riens (ouverture et sept danses), K. 299b - Concerto pour flûte et harpe, K. 297c [299] - Symphonie n° 31 « Paris », K. 300a [297]
Vincent Lucas (flûte), Marie-Pierre Chavaroche (harpe) Orchestre de Paris, Frans Brüggen (direction)
Régulièrement associé à l’Orchestre de Paris depuis 1998, Frans Brüggen dirige un programme d’une cohérence irréprochable : trois des partitions que Mozart composa au cours de son second séjour parisien (mars-septembre 1778) et, plus précisément, au début de ce séjour, entre avril et juin, avant les déceptions (le succès escompté n’est pas au rendez-vous) et le drame (disparition de la mère de Mozart). Une heure de musique, c’est cependant fort peu, et l’on aurait pu y ajouter une œuvre de la même période, telle que la Symphonie concertante pour hautbois, clarinette, basson et cor.
Excellente idée que de donner l’ouverture et sept des douze morceaux fournis par Mozart pour Les Petits rien, un ballet collectif destiné à servir d’intermède à un opéra de Piccini, Le finte gemelle. La musique n’en est peut-être pas inoubliable, mais l’ouverture évoque étrangement l’esprit de L’Enlèvement au sérail, tandis que les courts morceaux de danse font alterner la grâce, la verve et même une certaine truculence.
Mozart n’aimait ni la flûte, ni la harpe, au point qu’il aurait composé son Concerto pour satisfaire en une seule fois deux commandes distinctes pour chacun de ces instruments… Qu’importe, Vincent Lucas et Marie-Pierre Chavaroche prennent manifestement plaisir à interpréter cette œuvre, dans laquelle ils mettent en valeur l’expression et la fougue, insistant sur l’ampleur des phrasés et n’hésitant pas à jouer rubato. Cette liberté et cette élégance font également merveille dans une pièce d’Astor Piazzolla donnée en bis. Accompagnant ces deux solistes de l’Orchestre de Paris, Brüggen contraste fortement avec leur approche, au fond plus « romantique » que classique.
Dans la Symphonie, les attaques bien tranchées et les rythmes soigneusement pointés laissent souvent la place à une extrême finesse. La recherche du « beau son » n’étant sans doute pas sa priorité, Brüggen, qui proscrit évidemment tout vibrato, souligne les angles d’une partition à laquelle on reproche d’ordinaire son caractère « galant ». Il joue successivement les deux variantes de son andante central, la seconde (celle que l’on entend le plus souvent) étant prise dans un tempo suffisamment rapide pour constituer, en quelque sorte, le (lent) menuet d’une symphonie en quatre mouvements.
Manque toutefois un rien d’éclat, de spontanéité, de vie. Les musiciens de l’Orchestre de Paris, en formation réduite (quarante cordes), possèdent tout le talent requis pour s’adapter à ces nouvelles conditions de jeu et l’ensemble sonne d’une manière indéniablement différente qu’avec Eschenbach. Mais les choix interprétatifs, intéressants et sans doute souvent justifiés, du chef néerlandais ne prendraient-ils pas leur pleine signification avec une formation d’instruments anciens ? Comme si l’on s’était arrêté au milieu du gué…
Simon Corley
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