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Une histoire de soldat qui ne cesse de marcher

Normandie
Deauville (Salle Elie de Brignac)
04/28/2018 -  
Gustav Mahler : Quatuor pour piano et cordes en la mineur [1]
Alfred Schnittke : Quatuor pour piano et cordes en la mineur [2]
Alban Berg : Sieben frühe Lieder (arrangement de Reinbert de Leeuw) [3]
Igor Stravinski : Histoire du soldat [4]

Adèle Charvet (mezzo-soprano), Didier Sandre (Le lecteur), Gabriel Acremant (Le diable), Maxime Coggio (Le soldat)
Julien Vern (flûte) [3], Seung-Hwan Lee (clarinette) [4], Marceau Lefèvre (basson) [4], Henri Deléger (cornet à pistons) [4], Jules Boittin (trombone) [4], David Petrlik (violon) [1, 2, 4], Gabrielle Lafait (alto) [1, 2], Volodia van Keulen (violoncelle) [1, 2], Simon Guidicelli (contrebasse) [3, 4], Frédéric Guérouet (accordéon) [3], Théo Fouchenneret (piano) [1, 2, 3], Adélaïde Ferrière (percussions) [4], Quatuor Hanson [3]: Anton Hanson, Jules Dussap (violon), Gabrielle Lafait (alto), Simon Dechambre (violoncelle), Pierre Dumoussaud (direction) [3, 4]


A. Charvet, P. Dumoussaud (© Stéphane Guy)


Le curieuse particularité de l’écrivain vaudois Charles Ferdinand Ramuz (1878-1947) est de n’être quasiment jamais lu mais... écouté : grâce à Igor Stravinski (1882-1971). C’était le cas ce soir, salle Elie de Brignac à Deauville dans le cadre du septième concert du festival de Pâques de musique de chambre puisqu’était proposée en seconde partie l’Histoire du soldat, cent ans après sa création.


La lecture qui en est faite révèle un excellent chef, Pierre Dumoussaud. On l’avait déjà entendu l’an passé lors d’une exécution mémorable du Kammerkonzert d’Alban Berg. Sa direction est précise et évite la sécheresse, risque toujours couru avec Stravinski. Les pulsations ne sont pas trop marquées et le discours reste fluide. Tout est mené avec clarté et souplesse. Le fait qu’il ait face à lui d’excellents instrumentistes ne retire rien à ses mérites. Il doit être suivi avec attention.


Les textes lus donnent évidemment une tonalité beaucoup plus noire à l’œuvre que la seule partie musicale. On ne comprend cependant et malheureusement guère, d’où nous sommes placés, Didier Sandre, de la Comédie française – le récitant – surtout lorsque l’orchestre joue ou qu’il tourne sa tête vers sa gauche. Il y a là un problème d’acoustique déjà constaté à plusieurs reprises lorsque les artistes sont placés très en avant: ils sont mal perçus des côtés de la salle. Maxime Coggio, plus proche, nous fait bénéficier en revanche de sa diction parfaite et donne véritablement vie à son personnage – le soldat Joseph – et il en faudrait peu pour le voir marcher et traîner son livre magique. Une petite mise en scène, sans parler de chorégraphie puisque c’est un mimodrame, aurait suffi. On pouvait presque déceler quelque chose de Wozzeck dans sa naïveté et son désespoir. Gabriel Acremant est quant à lui un diable moqueur, à la perversité idéale si l’on peut dire. On mentionnera enfin Adélaïde Ferrière aux percussions toujours d’une parfaite clarté et dont la partition est évidemment essentielle à la dynamique de l’œuvre.


Auparavant, on avait eu droit à un Quatuor (1876) de jeunesse pour piano et cordes de Gustav Mahler (1860-1911), œuvre inachevée et très brahmsienne, trop souvent occultée par le reste de la production du Viennois, un peu comme le Quatuor de Verdi. L’exécution ne nous emballe cependant guère: pianiste abusant de la pédale et violoniste incertain sur la fin. Les instrumentistes ont heureusement la bonne idée, surprenante de prime abord, d’embrayer sans pause sur le Quatuor (1988) d’Alfred Schnittke (1934-1998), page cette fois d’un compositeur âgé. L’œuvre est en effet bâtie sur les esquisses laissées par Mahler pour le deuxième mouvement de son quatuor. Apre, voire violente, animée par des stridences et jouant beaucoup sur les résonances, elle suscitait assurément plus d’intérêt.


Après un important changement de plateau, mené à grandes enjambées comme d’habitude par Jean Fröhlich, le public avait pu entendre également Sept lieder (1908) d’Alban Berg (1885-1935). On avait alors retrouvé avec plaisir la mezzo-soprano Adèle Charvet. Son positionnement dans la salle ne permettait sans doute pas d’apprécier pleinement son chant mais la fermeté de son phrasé et l’homogénéité de son timbre comme sa projection étaient à l’évidence à la hauteur de ces pièces exigeantes. Elle parvint sans peine à s’imposer au petit orchestre, où l’on repère un accordéon, comme si on était dans Wozzeck, et à emporter l’adhésion. Cela ne pouvait que donner envie de l’entendre dans la version originale des Sept lieder, avec grand orchestre, sans accordéon.



Stéphane Guy

 

 

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