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Une donna del lago en demi-teinte Lausanne Opéra 04/22/2018 - et 25*, 27, 29 avril 2018 Gioacchino Rossini : La donna del lago Lena Belkina (Elena), Max Emanuel Cencic (Malcolm), Daniel Behle (Giacomo V (Uberto)), Juan Francisco Gatell (Rodrigo), Daniel Golossov (Duglas d’Angus), Delphine Gillot (Albina), Tristan Blanchet (Serano), Aurélien Reymond-Moret (Bertram)
Chœur de l’Opéra de Lausanne, Antonio Greco (préparation), Orchestre de Chambre de Lausanne, George Petrou (direction musicale)
Max Emanuel Cencic (mise en scène), Constantina Psoma (assistante à la mise en scène), Bruno de Lavenère (décors et costumes), David Debrinay (lumières), Etienne Guiol (vidéos)
(© Alan Humerose)
Un spectacle réussi doit pouvoir être compris aisément par le public, sans « aide » extérieure. Or lorsqu’un metteur en scène se fend dans le programme de longues explications sur le pourquoi et le comment de sa démarche, c’est en général qu’il doute de la pertinence de ses idées ou qu’il estime que ses intentions ne sont pas assez claires. Dans un tel cas, les déconvenues sont souvent à craindre. C’est malheureusement ce qui vient d’arriver à l’Opéra de Lausanne avec une nouvelle production de La Dame du lac. Metteur en scène pour l’occasion, le contre-ténor Max Emanuel Cencic, qui interprète par ailleurs le rôle de Malcolm, signe une version du chef-d’œuvre de Rossini touffue, peu limpide et en fin de compte inaboutie. Il ne manque pas d’idées sur le papier, mais il peine à les concrétiser de façon convaincante sur scène. Au lever de rideau, Elena apparaît, rêveuse, un livre à la main. Au mur de sa demeure bourgeoise est accroché un grand tableau dans lequel elle décide d’entrer. Elle pénètre alors dans un lupanar géant, habité par de nombreuses filles à la poitrine nue. Les chefs de clan de l’intrigue originale sont ici des aristocrates qui viennent assouvir leurs pulsions. Leurs combats se déroulent à une table de jeux ou au cours d’un match de boxe. A la fin de l’ouvrage, Elena ressort du tableau pour retrouver son salon. Les chanteurs adoptent la plupart du temps des attitudes décalées, voire ridicules, à l’instar de Max Emanuel Cencic, qui chante son premier grand air un balai à la main. Au moins, on ne pourra pas dire qu’il s’est mis particulièrement en valeur... On a l’impression que le metteur en scène craint d’aller jusqu’au bout de ses idées et qu’il n’a pas l’audace de livrer un spectacle totalement déjanté; il louvoie plutôt entre sérieux et comique, offrant une production quelque peu fade et, on l’a déjà dit, inaboutie. On relèvera néanmoins les somptueux costumes et les décors impressionnants de Bruno de Lavenère, baignés dans les lumières suggestives de David Debrinay.
La partie musicale du spectacle offre, elle, plus de satisfactions. A la tête de l’Orchestre de Chambre de Lausanne, George Petrou allie précision et homogénéité, mais sa baguette manque de légèreté et de flamboyance pour rendre totalement justice à la partition de Rossini. Le plateau vocal est dominé par le superbe Rodrigo de Juan Francisco Gatell, au timbre clair et lumineux et aux aigus rayonnants. Max Emanuel Cencic tire, lui aussi, son épingle du jeu en Malcolm, avec son style idiomatique et son magnifique legato; avec les années, la voix s’est aussi considérablement épaissie. Tout au plus pourrait-on regretter un manque d’envergure et de projection. Malgré des aspérités dans la voix et une émission peu homogène, Lena Belkina incarne une Elena convaincante, qui mériterait cependant d’être approfondie et murie. S’il a laissé le souvenir de belles prestations dans Mozart, Daniel Behle paraît à contre-emploi dans Rossini, avec une ligne de chant malmenée par les vocalises du rôle. Daniel Golossov campe un père noble et autoritaire. Les seconds rôles interprétés par Delphine Gillot (Albina) et Tristan Blanchet (Serano) sont excellents, de même que le Chœur de l’Opéra de Lausanne.
Claudio Poloni
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