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Versatilité de tessiture Paris Palais Garnier 04/22/2018 - et 19 (Wien), 24 (London) avril 2018 Hugo Wolf : Drei Lieder nach Gedichten der Michelangelo
Hans Pfitzner : Sehnsucht, opus 10 n° 1 – Wasserfahrt, opus 6 n° 6 – Es glänzt so schön die sinkende Sonne, opus 4 n° 1 – Ist der Himmel dann so blau im Lenz, opus 2 n° 2 – An die Mark, opus 15 n° 3 – Nachts, opus 26 n° 2 – Stimme der Sehnsucht, opus 19 n° 1 – Abendrot, opus 24 n° 4
Richard Wagner : Wesendonck-Lieder
Richard Strauss : Traum durch die Dämmerung, opus 29 n° 1 – Morgen, opus 27 n° 4 – Ruhe meine Seele, opus 27 n° 1 – Freundliche Vision, opus 48 n° 1 – Vier letzte Lieder: «Im Abendrot» Matthias Goerne (baryton), Seong-Jin Cho (piano)
M. Goerne (© Caroline De Bon)
Un dimanche soir de vacances scolaires et de quasi-canicule, un public nombreux se pressait pour entendre deux artistes très en vue dans un programme plutôt élitiste.
Matthias Goerne aime pour ses Liederabende changer de partenaire. On lui a connu entre autres Alfred Brendel épisodiquement, Christoph Eschenbach plus durablement, Daniil Trifonov et Leif Ove Andsnes plus récemment et, pour ce dernier programme consacré à quatre géants du lied allemand, Wolf, Pfitzner, Wagner et Richard Strauss, c’est le tout jeune pianiste coréen Seong-Jin Cho, auréolé d’une médaille d’or au Concours Chopin de Varsovie en 2015, qu’il a choisi.
Nous a-t-on changé Matthias Goerne? Toujours assez renfrogné, il était volontiers souriant. Toujours agité avec une gestuelle de girouette, il s’était replié dans l’aile du piano, souvent penché sur les cordes comme pour savourer la sonorité exquise de son pianiste. Et quelle démonstration de versatilité dans les tessitures... Depuis les Trois Poèmes de Michel-Ange de Wolf, composés pour une voix de basse dont il n’a pas les limites graves, donnant une lecture plus intellectualisée que profonde, jusqu’au dernier des Quatre derniers lieder de Strauss, dont on ne se souvient pas l’avoir entendu interprété par une voix d’homme, le forçant à détimbrer et à utiliser tous les artifices de la voix mixte pour un résultat étonnant. Il faut ajouter que s’il ne s’est pas toujours montré un accompagnateur idéal – comment le pourrait-il avec si peu d’expérience dans ce domaine? –, le très jeune Seong-Ji Cho a montré qu’il savait utiliser toutes les ressources d’une sonorité avec laquelle il excelle chez Chopin, pour peindre au piano les sons d’un orchestre autant chez Richard Strauss que chez Wagner.
Entre les deux, il y eut un grand bouquet de huit Lieder de Hans Pfitzner et l’on ne se souvient pas non plus d’en avoir entendu autant dans un récital depuis Dietrich Fischer-Dieskau (dont Goerne fut l’élève) et Hermann Prey, et encore, dans des lieux extrêmement cultivés (à l’époque) comme les festivals de Salzbourg et de Munich. De facture plutôt romantique, sur des textes de qualité très variable (au mieux d’Eichendorff et Heine), ces lieder soigneusement choisis formaient pour les amateurs de cet exercice le corps du concert. Plus en vogue au répertoire des barytons aujourd’hui, les cinq Wesendonck-Lieder de Wagner donnaient à Goerne l’occasion de déployer et faire sonner plus largement son instrument avec une intériorité admirable.
Enfin les cinq lieder de Richard Strauss, tous très attendus, flattaient – avec on l’a dit le soutien très efficace du pianiste coréen – une voix dont on sait qu’elle peut exceller dans le chant le plus extatique et contemplatif. Une soirée fortement acclamée et qui restera mémorable.
Olivier Brunel
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