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Un début de saison prometteur Paris Maison de Radio France 09/22/2001 -
Olivier Messiaen : La Transfiguration de Notre-Seigneur Jésus-Christ
Roger Muraro (piano), Eric Levionnois (violoncelle), Thomas Prévost (flûte), Robert Fontaine (clarinette), Renaud Muzzolini (xylorimba), Gérard Lemaire (vibraphone), Francis Petit (marimba) Chœur de Radio France, Philip White (chef de chœur) Orchestre philharmonique de Radio France, Myung-Whun Chung (direction)
Une semaine après l’Aïda grand format donnée Stade de France, le Chœur de Radio France, l’Orchestre philharmonique et son directeur musical proposaient, au cours des journées d’ouverture de la saison de Radio France, un fastueux apéritif. Tellement prometteur qu’une foule compacte se pressait aux portes de la maison ronde.
La partition, par sa durée (plus d’une heure et demie) et par les effectifs qu’elle requiert (sept solistes, plus de cent musiciens, chœur), n’est pas souvent donnée. Le propos y est certes, au moins en apparence, plus aride - le texte comprend notamment des extraits de la Somme théologique de Saint Thomas d’Aquin - que dans d’autres grandes fresques telles que Turangalîla-Symphonie ou Des canyons aux étoiles…. Ceci étant, son langage, son instrumentation, la clarté de ses structures (autant pour le plan d’ensemble que dans chacune de ses pièces), le rôle qu’elle donne aux voix, son caractère spectaculaire sont autant d’atouts qui lui permettent de rassembler un large public, au-delà même de la complexité des préoccupations religieuses ou des techniques de composition. Les applaudissements ne peuvent ainsi que fuser après le fascinant Terribilis est locus iste (cinquième pièce du second septénaire).
Chung, qui fait partie des tout premiers interprètes actuels de Messiaen, dirige à mains nues. On ne peut imaginer plus grande adéquation entre ce que le chef coréen exprime tant dans ses déclarations que dans son art et ce que Messiaen lui-même voyait dans La Transfiguration : « Je pensais accomplir un acte liturgique, c’est-à-dire transporter une sorte d’office, une sorte de louange organisée au concert. Ma principale originalité est d’avoir retiré l’idée de la liturgie catholique des édifices de pierre destinés au culte et de l’avoir installée dans d’autres édifices qui ne semblaient pas destinés à recevoir ce genre de musique ».
De ce fait, sans doute, c’est à un grand moment de musique que l’on participe. Adoptant des tempi très retenus, mais sans que le discours s’en ressente jamais, Chung met en valeur tous les éléments de ce foisonnant oratorio (?). Il impose une telle présence et une telle ferveur qu’il y est bien plus question de recueillement ou de tension que d’aridité ou d’ennui. Peut-être a-t-il tendance - effet de l’acoustique ? - à donner la primeur à l’orchestre sur le (remarquable) chœur, peut-être constate-t-on ici ou là quelques légers décalages, mais tout cela est sans réelle incidence sur le climat que les interprètes ont réussi à installer.
Dans sa connaissance de l’œuvre de Messiaen, Roger Muraro est au piano ce que Chung est à l’orchestre : l’homme de la situation, par ses interventions à la fois pertinentes et discrètes. Les autres solistes, issus des pupitres de l’Orchestre philharmonique, sont à la fête, tout particulièrement le violoncelle d’Eric Levionnois.
La soirée se termine par un bref mais désopilant quatre mains de Muraro et Chung qui révèle finalement le thème de Happy birthday to you. Car cette saison est celle des vingt-cinq ans de l’orchestre. Elle se poursuivra dès le 28 septembre par un concert anniversaire (la Symphonie Résurrection de Mahler, toujours sous la direction de Chung), puis elle permettra d’entendre le grand répertoire, mais aussi des œuvres rares de Cimarosa, Grainger, Schulhoff ou Weill, par des interprètes tels que Paavo Järvi, Yutaka Sado ou Jukka-Pekka Saraste.
Simon Corley
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